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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

29e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Générosité de Dieu

Ayant appelé ses disciples près de lui, Jésus leur dit : « Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations leur commandent en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous ; au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, se fera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous, se fera l’esclave de tous. Aussi bien, le Fils de l’homme lui-même n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. »

Commentaire :

Une fois encore, Jésus, selon Marc, fait suivre l’ annonce de sa Passion (10 : 32-34) d ’une leçon à ses disciples. Il tente cette fois de leur montrer à quel point leur vie est concernée par son propre destin (10 : 25-45). Une expérience concrétisera l’enseignement (10 : 46-52). L’évangéliste en profite pour servir à son Église une leçon de vie communautaire et ecclésiale. L’épisode proclamé ce dimanche suit la demande des fils de Zébédée de partager la gloire de leur Maître (10 : 35-40)

Jacques et Jean, fils de Zébédée et cousins de Jésus, étaient parmi les premiers compagnons appelés par Jésus (1 : 19-20). Ils avaient depuis fait preuve d’un véritable zèle (1 : 29-36). Leur requête prend ici une tournure de revendication : « Nous voulons que tu fasses pour nous ce que nous demandons ». Suit alors une violente altercation entre les disciples : « Les autres se mirent à s’indigner ». Ce fut pour Jésus l’occasion d’une leçon de vie.

A ses contemporains, témoins de l’occupation romaine et des procédés mis en œuvre par ceux-ci, Jésus porte des accusations à peine voilées, pour susciter un renversement de valeur, un retournement évangélique. Comme ce qui précède, concernant le mariage, l’accueil des enfants et l’abandon des richesses, suivre le Christ représente une révolution profonde dans le cœur de l’homme. Et Jésus ne se gêne pas pour faire allusion à la « politique » de certains de siens : « Il y en est parmi vous ». La loi fondamentale de toute société chrétienne deviendra : « que celui qui tient à devenir le premier et le plus grand se fasse serviteur ». Dans la constitution de la communauté, chacun se fera serviteur de tous. Ce terme, dans l’Église de Jérusalem, évoque généralement l’attitude de servant, et davantage le service eucharistique se prolongeant par les œuvres sociales, communautaires (Ac. 1 : 17 ; 4 : 34-37 ; 5 : 2 : 1 Th. 5 : 12-13 ; Rm. 12 : 6-8, Col. 4 : 12-13). L’expression « esclave » quant à elle met en relief la notion de dépendance d’une personne par rapport à un maître. Le maître en la circonstance étant la communauté, l’ensemble des personnes qui la compose sans distinction aucune. Cette disponibilité inconditionnelle au service définit désormais la communauté du Christ. L’apôtre Paul tenait un langage identique : « Ayez un même amour, un même cœur ; recherchez l’unité ; ne faites rien par rivalité ou gloriole, mais avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à vous ». (Ph. 2 : 2-3)

Non-violence radicale mise au service de la défense des droits de l’autre, de la paix et de l’union entre tous, tel est l’amour du Christ venu servir et s’offrant jusqu’à la mort : « Lui de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, il s’est dépouillé, prenant la condition d’esclave…» ( Ph. 2 : 5-8) « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir»… On retrouve ici des réminiscences du quatrième chant du Serviteur ( Is.53 : 10-13) : « Donner sa vie…en rançon…pour une multitude », et du psaume 49 : 8-9. Telle est la raison de cette conversion profonde demandée aux disciples de Jésus. Les abaissements du Fils de Dieu constituent le principe contestataire de toute forme de domination ou d’exploitation de l’homme par l’homme.

Paroles de Jésus lui-même, commentaire personnel de Marc ou donné de la Tradition apostolique, qu’importe : à la Cène, Jésus avait certes une conscience profonde de la portée universelle et expiatoire de sa mort. Le terme rançon n’implique pas ici un quelconque marchandage : donnant, donnant, mais rédemption, réconciliation de l’homme avec Dieu. Et devant l’homme incapable de quoi que ce soit en ce domaine, Jésus a payé pour l’homme insolvable et se met à sa place en devenant victime. A quel point l’amour divin dépasse l’homme et le comble puisqu’il le sauve de la mort. Rachat bien au-delà de toute espèce de négociation, la rançon est pure gratuité. Modèle non seulement pour le disciple mais pour toute existence chrétienne, participation à l’acte rédempteur du Christ.

Comment Dieu exauce la prière des hommes ? Ici la requête de Jacques et Jean devient la révolution opérée dans le monde de la communion à l’acte sauveur du Christ. « Vous ne savez pas ce que vous demandez ». Jésus propose donc aux disciples requérants une demande qui va tellement plus loin que l’objet de leur requête. C’est du quotidien : nos désirs transcendent toujours le terme qu’ils se donnent : le nourrisson appelant le sein exprime bien davantage une soif d’amour et d’affection qu’il ne peut soupçonner; le passant qui demande une information attend bien davantage la vérité qui lui manque et la chaleur humaine dont il peut être privée. et si nos besoins ne sont pas toujours comblés, Dieu sait les assouvir pleinement : l’eau à la samaritaine, le pain du ciel aux foules affamées…

Dieu donne toujours plus que nous n’osons demander et souvent.

Parole et vie

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