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Méditation chrétienne,

Responsable de la chronique : Simon Lessard, o.p.
Méditation chrétienne

Aux arbres, citoyens !

Imprimer Par André Beauchamp

De la création du premier ministère québécois de l’environnement en passant par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement jusqu’à la Commission sur la gestion de l’eau au Québec, l’engagement environnemental d’André BEAUCHAMP ne se dément pas. Sans relâche, celui-ci questionne, provoque, dérange les pouvoirs publics comme les personnes. Avec son humour habituel, il se constitue maintenant guide des « forêts bibliques ». Qu’il en soit remercié !

Depuis le film L’erreur boréale, que je n’ai pas vu parce qu’il me fallait entendre les citoyennes et citoyens inquiets de l’eau qui m’expliquaient les rapports entre la forêt et l’eau, l’arbre tend à devenir un enjeu politique et stratégique majeur. Au fait, avec la crise écologique à l’horizon, tout tend à devenir un enjeu : la forêt, le transport, l’eau, les changements climatiques, la biodiversité, la désertification, l’étalement urbain, la diversité culturelle. E tutti quanti. Je ne m’en moque pas. J’essaie simplement de comprendre et d’éviter la panique. Mais y a-t-il une place pour l’arbre dans la Bible ?

L’ARBRE ET LA GUERRE

« Si en attaquant une ville, tu dois l’assiéger longtemps pour la prendre, tu ne mutileras pas ses arbres en y portant la hache ; tu t’en nourriras sans les abattre. Est-il homme l’arbre des champs, pour que tu le traites en assiégé ? Cependant les arbres que tu sais n’être pas des arbres fruitiers, tu pourras les mutiler, les abattre, et en faire des ouvrages de siège contre cette ville en guerre contre toi, jusqu’à ce qu’elle succombe. » (Deutéronome 20, 19-20)

Quel texte étrange qui témoigne d’une éthique de la guerre. Éthique assez complexe en réalité. Éthique qu’on pourrait qualifier de stratégique, voire d’utilitariste. L’auteur ne se pose pas de question sur la guerre. Elle est sainte. Si la ville assiégée ne se rend pas, «… tu l’assiégeras. Yahvé ton Dieu la livrera en ton pouvoir, et tu en passeras tous les mâles au fil de l’épée. » (Deutéronome 20, 12-13) C’est chose entendue. S’il s’agit d’une ville proche sur le territoire revendiqué, il s’agira de la vouer à l’anathème, purement et simplement (Deutéronome 20, 17).

Normalement, la logique de la guerre conduit de proche en loin à la guerre totale. « Delenda est Carthago » répétait le vieux Caton, qui se satisfaisait mal de la paix conclue entre Rome et Carthage à la fin de la deuxième guerre punique. Au terme de la troisième guerre punique, Carthage fut rasée et enfouie sous des tonnes de sel. Durant la guerre du Viêt Nam, les Viêt-congs se cachaient dans la forêt. Les Américains ont alors utilisé « l’agent orange », un puissant défoliant qui, faisant tomber les feuilles, permettait de repérer l’ennemi. Les Américains ont quitté le Viêt Nam, mais « l’agent orange » et ses dérivés servent toujours à d’autres usages, pacifiques ou militaires.

Quand on fait la guerre, pour utiliser une expression courante, on agit là où ça fait mal. Eh oui, là où ça fait mal. À vos adversaires, vous cherchez d’abord à couper les vivres : vous brûlez les récoltes comme l’ont fait nos ancêtres aux Iroquois ; vous interceptez, polluez ou détournez la rivière ; vous brûlez la maison, la grange et la récolte, comme le fit le général Colborne que les gens avaient surnommé le vieux brûlot.

L’ARBRE ET LA BOUFFE

L’interdiction du Deutéronome est étrange : « Tu ne mutileras pas ses arbres en y portant la hache. » On comprend qu’il ne s’agit pas de n’importe quel arbre, mais d’un arbre utile dont on peut se nourrir. Il ne s’agit donc pas d’un attendrissement devant la fleur, ni d’un souci naturaliste ou écologiste, mais d’un acte intéressé. Comme le siège est long, l’arbre peut mieux servir l’attaquant comme source de nourriture que comme arme. De quel arbre nourricier s’agit-il ? Dattier, figuier, pommier ? Le texte ne le dit pas. Mais c’est un arbre noble. « Est-il donc homme, l’arbre des champs, pour que tu le traites en assiégé ? » Ici l’arbre vaut plus que l’ennemi. Il ne s’agit pas d’un statut ontologique, d’une dignité intrinsèque, mais d’une considération d’opportunité. L’ennemi est intégralement mauvais. L’arbre fruitier de l’adversaire est un allié stratégique si ses fruits peuvent servir l’attaquant. Autrement, à quoi bon le protéger ?

« Cependant, les arbres que tu sais n’être pas des arbres fruitiers, tu pourras les mutiler, les abattre, et en faire des ouvrages de sièges contre cette ville en guerre contre toi, jusqu’à ce qu’elle succombe. » (Deutéronome 20, 20) Il est évident, dans ce texte, que tout est orienté vers la victoire et que le but de la guerre et de son éthique est d’écraser l’ennemi. Le texte ne s’interroge pas sur le droit de mutiler.

Faut-il en conclure qu’il ne fait pas trop bon être un arbre au pays de la Bible ? Ce serait une conclusion pour le moins prématurée, qui illustre les limites d’une lecture fondamentaliste de la Bible. En réalité, l’arbre a meilleur sort, même s’il est difficile de trouver un véritable souci écologique de l’arbre pour lui-même dans la Bible. Le lot de l’arbre est de porter des fruits. S’il en porte, on le conserve, on le protège, on l’entretient. Autrement, on le coupe. « Je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu’il en porte davantage. » (Jean 15, 1-2) Le contexte n’est pas celui de la forêt sauvage dans la complexité des interrelations entre les espèces, mais un contexte agraire de jardin et de gérance quasi domestique.

L’ARBRE ET LA VIE

Pourtant, l’arbre demeure un symbole extraordinaire de vie. Il y a d’abord l’arbre de la Genèse, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, ou mieux du bonheur et du malheur. Pourquoi un arbre ? Et comment se fait-il que son fruit savoureux, à l’aspect agréable et désirable soit ultimement si néfaste à cause d’un interdit ? S’il est bon à manger, il devrait être également bon pour la vie. Cet arbre-là n’est pas un arbre comme les autres. C’est l’arbre de la connaissance, de l’auto-accomplissement de soi qui peut conduire à l’autodestruction. La connaissance est dangereuse. Comme disait Maurice Duplessis : « L’instruction, c’est comme la boisson. Il y en a qui ne portent pas ça. »

Pour faire pendant à l’arbre du jardin d’Éden, le Nouveau Testament, après le parcours de l’arbre de la croix où le nouvel Adam a régénéré l’humanité, évoque la Jérusalem céleste. « Au milieu de la place de la ville, entre les deux bras du fleuve, il y a un arbre de vie qui donne son fruit douze fois : chaque mois il produit son fruit ; et les feuilles de cet arbre sont un remède pour les nations païennes. » (Apocalypse 22, 2) Remarquez la constante dans l’appréciation par les fruits. Nous, nous sommes intéressés principalement par le bois : pour le papier, la construction et le chauffage.

Entre les arbres mythiques du début et de la fin, il y a la multitude des arbres concrets : le chêne, arbre sacré, qu’on retrouve à Hébron (chêne de Mambré, Genèse 18), Sichem (Josué 24, 26) et Béthel (Genèse 35, 8) où Débora la nourrice de Rebecca fut enterrée. Les plus célèbres entre tous sont les cèdres du Liban, véritables trésors de l’Antiquité que l’appétit humain a fini par anéantir mais qui sont souvent perçus dans la Bible comme un signe d’orgueil que Dieu détruit : « Voix du Seigneur : elle casse les cèdres. Le Seigneur fracasse les cèdres du Liban » (Psaume 28, 5), même si un autre psaume les présente comme les symboles du juste (Psaume 91, 13-16). À signaler que ces cèdres ne ressemblent pas à nos cèdres courants dont le nom scientifique est le thuya occidental. Et puis il y a le sycomore, dont le fruit ressemble à une figue, que Zachée escalade pour mieux voir Jésus (Luc 19, 4). Mais il faudrait aussi nommer le figuier, l’amandier, le grenadier, le palmier, le peuplier, le platane, le saule, l’acacia, voire le térébinthe.

L’arbre est un symbole de vie auquel le juste est comparé (Psaume 1, 3). Il est aussi un point de référence, un lieu de rencontre ou de réunion. En Afrique, on parle d’arbre de parole, arbre en plein soleil qui permet aux gens de profiter de l’ombre pour palabrer.

L’ARBRE ET LA LOUANGE

Les auteurs de la Bible n’avaient jamais passé une nuit dans les forêts du Nouveau Monde. Ils ne connaissaient pas nos érables, dont l’eau sucrée au printemps est source de fête et de vie. Ni les ormes, ni les frênes, ni les noyers, ni les carriers, ni les hêtres, ni d’autres espèces de nos forêts. Ils ne connaissaient pas non plus l’épinette noire, le mélèze laricin, ni la pruche du Canada. Tout préoccupés des usages humains et des significations spirituelles, les auteurs sacrés ont peu exploré l’extraordinaire symphonie des arbres dans la nature. Bien que… La louange cosmique du Psaume 148 contient une trace d’animisme : toute la création chante la louange de Dieu, comme si elle possédait sa propre parole et sa propre conscience, comme si un souffle l’animait. « Louez le Seigneur depuis la terre, monstres marins, tous les abîmes ; feu et grêle, neige et brouillard, vent d’ouragan qui accomplis sa parole ; Les montagnes et toutes les collines, les arbres des vergers, tous les cèdres ». (Psaume 148, 7-9) La louange n’est pas que dans l’homme. Elle est déjà dans la création, porteuse de la Parole créatrice et habitée par une présence. Paul y fait référence : la création aspire à la révélation, elle gémit en travail d’enfantement (Romains 8, 19-22).

J’aime les arbres. J’aime leur patience, leur stabilité, leurs inlassables stratégies de survie, leur manière de s’enfouir pour résister à la durée, au froid, aux intempéries. J’aime les peuplements forestiers dans la complexité de leurs luttes et de leurs collaborations. L’arbre est un témoin fantastique de la vie. Alors que l’animal a choisi la mobilité, ce qui l’a forcé à développer des membres et une organisation cérébrale fort complexe, le végétal a opté pour la fixité, pour l’enracinement, pour l’ancrage. Et c’est à partir de ce point fixe que l’arbre poursuit son inlassable labeur. Il s’enfonce au ventre de la terre, il s’élance en haut. Il relie le ciel et la terre. Il étend ses bras pour la danse et le chant, donnant refuge et abri. Il jette sa semence à profusion, au printemps ou à l’automne, sous forme de mousse, de semences, de graines, de fruits, de glands. De proche en loin, la semence émigre, cherchant le milieu propice pour recommencer l’aventure.

Sœurs et frères humains, ayez donc la patience des arbres. Et comme eux, aux soirs d’été, chantez dans le vent l’hymne d’action de grâces de toutes les créatures. Et de grâce, avant qu’il ne soit trop tard, levez-vous pour obtenir une gestion plus raisonnable de la forêt.

Aux arbres, citoyens !

HYMNE À LA CROIX

une voix Ô croix sur laquelle Jésus est mort
CHŒUR Oui, l’arbre qui ploie sous ses fruits c’est toi,

une voix Oui, l’arbre qui ploie sous ses fruits c’est toi, arbre glorieux

CHŒUR Oui, l’arbre qui ploie sous ses fruits c’est toi.

une voix Arbre glorieux,

ton fruit c’est Jésus-Christ

Jésus-Christ l’auteur de la vie

le créateur de tous les fruits.

CHŒUR L’arbre qui ploie sous ses fruits c’est toi.

une voix Tes fleurs sont devenues des gouttes de sang de Jésus.

CHŒUR l’arbre qui ploie sous ses fruits c’est toi.

une voix Ta beauté surpasse celle de tous les arbres

Toi l’arbre du salut

Toi l’arbre du bien

CHŒUR L’arbre qui ploie sous ses fruits c’est toi

une voix Ô croix sur laquelle Jésus est mort

CHŒUR l’arbre qui ploie sous ses fruits c’est toi.

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