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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

1er Dimanche de l’Avent. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

La nuit

« Soyez sur vos gardes, veillez, car vous ne savez pas quand ce sera le moment. Il en sera comme d’un homme parti en voyage : il a quitté sa maison, tout remis aux soins de ses serviteurs, assigné à chacun sa tâche, et au portier, il a recommandé de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison viendra, le soir, à minuit, au chant du coq ou le matin, de peur que, venant à l’improviste, il ne vous trouve endormis. Et ce que je vous dis à vous, je le dis à tous ! »

Commentaire :

Ce premier dimanche de l’Avent a comme thème : vigilance dans l’attente du retour du Christ. Et cette année B, l’accent est mis sur la persévérance dans l’attente et l’inlassable vigilance demandée au chrétien. Le mot du cardinal Newman revient ici : « On ne dort pas quand on sait l’imminence d’un événement important. Le chrétien est un homme éveillé… Veiller avec le Christ, ne serait-ce pas une façon d’être avec ceux qui souffrent, ceux qui peinent, ceux qui ne dorment pas. »

La parabole du portier. Chaque parabole veut exprimer une pensée unique vers laquelle converge la narration entière ; les détails sont subordonnés à la pensée principale, ils n’ont pas à proprement parler de signification propre. Dans la parabole du portier, l’attention doit se concentrer sur l’attente recommandée pendant la nuit et les paroles sur ce retour nocturne appartiennent à l’application de la parabole. Au v. 35, domine l’idée à savoir que les auditeurs ignorent à quelle heure de la nuit le maître va rentrer.

LA NUIT

Pour les Juifs du temps de Jésus, le temps des ténèbres, la nuit, comporte non seulement des tentations, des épreuves de diverses natures, mais il ne doit pas durer toujours, la fin viendra un jour pour les élus. Et cette existence à venir se définit pour les fidèles veilleurs en terme d’éternelle lumière. Du point de vue du peuple de Dieu, la période présente se caractérise comme la nuit et l’avenir comme un jour, un matin. Le psaume 92 : 2+ illustre bien cette forme pensée : « Il est bon de publier au matin ton amour, ta fidélité au long des nuits. » Le prophète Isaïe clamait d’une voix puissante : « Veilleur, où en est la nuit ? veilleur, où en est la nuit ? » Et le veilleur répond : « Vient le matin et puis la nuit. Si vous le voulez, interrogez, convertisse-vous, revenez ! » (Is. 21 : 11-12) L’attente dans la nuit et le désir du matin, cela résume bien la situation du peuple de Dieu et le salut qu’il espère. L’apôtre Paul lui-même utilisait ses allusions à la nuit pour décrire le temps présent : « La nuit est avancée ; le jour est proche. » (Rom.13 : 12 ) C’est pourquoi l’apôtre Paul exhorte ses disciples à s’arracher au sommeil, le salut est plus proche que lorsqu’ils sont venus à la foi. (1 Th. 5 : 4+) « Ce jour du Seigneur arrivera comme un voleur en pleine nuit. » Impossible de ne point retrouver là un lien très intime avec les paroles de Jésus. Dans les milieux juifs, la nuit était incontestablement liée au temps présent et non moins ce qui le décrit. D’où l’importance de veiller en ces heures de nuit dans l’attente du maître, il reviendra à un moment imprévu, temps que l’on ne connaît pas et que nul ne soupçonne.

On l’aura remarqué, la parabole comporte une discordance : le maître entreprend un voyage au loin et son absence sera prolongée. Or il parle d’un retour éventuel au cœur de la nuit… N’oublions pas, nous sommes en pleine imagerie orientale où l’image comporte une certaine élasticité. Ainsi en Marc 13 : le maître parti pour un long voyage, mais la situation d’attente demeure toute concentrée sur la nuit.

La nuit symbolise donc le temps présent et les conditions difficiles que connaît le peuple de Dieu, de quelque génération que ce soit. D’où la nécessité pour tous les disciples de Jésus d’être toujours prêts parce que le Fils de l’homme viendra sans crier gare. Ce sera alors la fin de la nuit, le jour. L’exhortation à la vigilance de Marc dans cette parabole nous rejoint incontestablement dans ce temps présent et sa nature ténébreuse.

VEILLER

Pourquoi comparer à la nuit le temps que nous vivons ? C’est ainsi que l’on exprimait en symbole sémitique tout temps d’épreuves, de souffrances, une situation de plein monde qui sépare et opprime. Il s’agit ici des puissances de ténèbres selon l’allusion de Paul, (Eph. 6 : 12) le monde au pouvoir du Mauvais selon l’expression de Jean. (1 Jn. 5 : 19). Le prophète Isaïe (9 : 1 ) annonçait quand même une certaine lumière qui au milieu de la nuit : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière » : Jésus, lumière du monde. « Qui croit en moi, ne demeure pas dans les ténèbres. » (Jn. 12 : 46) Mais bien que devenu par son baptême et sa foi enfant de la lumière et du jour, ( 1 Th. 5 : 5) l’homme vit encore dans le temps de la nuit. Il affronte constamment des situations de tentations et d’épreuves. En tout temps, le risque de tomber et les puissances mauvaises le menacent. Se laisser vaincre par ce monde, s’est s’endormir.

Si les chrétiens sont, en ce début de l’Avent et de l’année liturgique, invités à veiller, c’est qu’ils doivent en ce monde de la nuit, réaliser malgré tout leur vocation et le don reçu comme enfants de la lumière, tenir leur regard constamment porté vers le retour du jour qui approche : la venue du Christ, l’achèvement du salut. Aucune spéculation de temps ou de lieu n’est possible, mais s’impose par-dessus tout une situation de veille, d’attention quotidienne, de vive espérance présentées dans la parabole comme un service du maître. Veiller, c’est garder sa vie tendue vers celui qui vient, le Maître. Le jour se fait proche et sa lumière déjà se lève comme l’aube. Mais cela ne peut se faire sans lutte. Relisons Paul aux Romains. (13 : 11+) Et les armes dont nous disposons sont celles de la foi, de l’amour, de l’espérance, de la vérité et de la justice (Ep.6 : 13+)

Pareille veille ne nous marginalisera-t-elle pas des exigences de la vie quotidienne ainsi qu’au temps de l’Église primitive ? Vivre dans l’espérance de ce jour à venir est tout autre chose qu’une indifférence à ce qui nous entoure. Cette attente n’engendre aucune reniement du monde, mais une sainte liberté vis à vis tous ces dangers que comporte le temps présent : la crainte des hommes, la soif du prestige, l’angoisse devant les tribulations, la souffrance et la mort. Faisons nôtre la profession de foi de l’apôtre Paul. (Rom.87 :31-39)

Veiller dans la nuit du temps présent dans l’attente du Seigneur comporte une libération, mais non moins une joie, une paix, une espérance d’un monde qui vient et vaincra de sa vive lumière la nuit du temps présent.

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