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Désert, terre de combat !

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

Depuis quelques mois, les paysages dépouillés de l’Afghanistan défilent sur l’écran de nos téléviseurs. De grands espaces de couleur uniforme au point que nous distinguons mal les aspérités des collines et des montagnes. Tout est neutre. Rien n’attire notre attention. Rien ne distrait. Un désert. Et ce décor est devenu le théâtre d’une guerre sans merci.

Le désert, lieu d’attaque, de combat, de tuerie. Dans la littérature spirituelle, notamment la Bible, les ascètes et les mystiques se rendent au désert. Ils ne s’y retrouvent pas pour affronter les autres, mais pour faire la guerre à eux-mêmes personnellement. Le désert est le lieu du combat intérieur. Qui s’y rend accepte de faire face à lui-même. Le lieu se dresse devant lui comme un miroir d’une franchise étonnante. Il n’accentue pas les beautés ni ne masque les laideurs. Tout est vrai.

Un séjour au désert permet l’expérience du silence autour de soi. Aucun stimulus extérieur ne vient attirer l’attention. Aucune sirène pour charmer l’Ulysse voyageur. Tout mouvement, tout bruit, toute vie est absente. Sauf soi-même et son monde intérieur. Parler ici, c’est parler à soi, c’est s’adresser à soi, c’est ne voir et n’entendre que soi.

La rencontre peut être difficile. Parfois, c’est la guerre. Se découvrir, se reconnaître, s’accepter peut souvent être un combat. L’être humain doit faire le deuil de ses rêves impossibles. Il a des limites. Il doit accepter de vivre en deçà de ses aspirations, même les meilleures.

L’épreuve est dure depuis toujours. Mais, de nos jours, elle est particulièrement pénible. Le décor où nous évoluons habituellement nous distrait de nous-mêmes sans retenue. Les images, les sons, les bruits, tout attire notre attention et nous éloigne, du même coup, de ce que nous sommes personnellement. Le mûrissement de notre être en prend pour son rhume.

Mais un autre obstacle nous contrarie davantage. L’évolution des sciences et les multiples découvertes nous laissent entendre que le progrès pourrait être sans limite. Serions-nous en train de devenir des supermen? La médecine va-t-elle parvenir à éliminer la mort? Les distances vont-elles être comblées? Les frontières dépassées? Nos désirs complètement réalisés? La tentation est grande. Mais le désert renvoie à nous-mêmes et à nos limites. Je ne suis pas devenu ce que j’ai rêvé devenir. J’ai des fragilités insurmontables, des impuissances chroniques. Je ne suis pas tout puissant! Un point, c’est tout!

Qui arrive à reconnaître ses limites a déjà traversé bien des obstacles. Il a atteint un degré de maturité que plusieurs lui envient. Cette reconnaissance crée une liberté qui _ chose paradoxale _ amène à dépasser des frontières. La lucidité sur soi, loin de paralyser, laisse surgir de nouvelles possibilités. Elle a aboli les écrans qui empêchent la communication avec soi et avec les autres.

Le désert, terre de sécheresse, peut devenir un jardin de liberté. Ici, la solitude devient une amie et permet la communication, la rencontre, l’amour. Je peux accueillir l’autre inconditionnellement parce que j’ai appris à m’accueillir sans limite. Le combat intérieur élimine les autres guerres.

Puis-je me permettre de rêver que tous les guerriers de la terre fassent l’expérience de la solitude au désert? Ils apprendraient que le seul combat qui mérite l’admiration est celui que nous menons avec nous-mêmes pour gagner la liberté intérieure.

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