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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

3e Dimanche de Pâques. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Post-scriptum

Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord du lac de Tibériade, et voici comment. Il y avait là Simon-Pierre, avec Thomas, dont le nom signifie «Jumeau», Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres disciples. Simon-Pierre leur dit : «Je m’en vais à la pêche.» Ils lui répondirent : «Nous allons avec toi.» Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, ils passèrent la nuit sans rien prendre. Au lever du jour, Jésus était là, sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus les appelle : «Les enfants, auriez-vous un peu de poisson? » Ils lui répondirent : «Non.» Il leur dit : «Jetez le filet à droite de la barque et vous trouverez.» Ils jetèrent donc le filet, et cette fois, ils n’arrivaient pas à le ramener, tellement il y avait de poisson. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : «C’est le Seigneur! »

Quand Simon-Pierre l’entendit déclarer que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivent en barque, tirant le filet plein de poissons ; la terre n’était plus qu’à une centaine de mètres. En débarquant sur le rivage, ils voient un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : «Apportez donc de ce poisson que vous venez de prendre.» Simon-Pierre monta dans la barque et amena jusqu’à terre le filet plein de gros poissons ; il y en avait cent cinquante -trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. Jésus dit alors : « Venez déjeuner.» Aucun des disciples n’osait lui demander : «Qui es-tu? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche, prend du pain et le leur donne, ainsi que le poisson. C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.

Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre : «Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci? » Il lui répond : «Oui Seigneur, je t’aime, tu le sais.» Jésus lui dit : «Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : «Simon, fils de Jean, m’aimes-tu? » Il lui répond : «Oui, Seigneur, je t’aime, tu le sais.» Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis.» Il lui dit, pour la troisième fois : «Simon, fils de Jean, est-ce que tu m’aimes? » Pierre fut peiné parce que, pour la troisième fois, il lui demandait : «Est-ce que tu m’aimes? » et il répondit : «Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime.» Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. Amen, Amen, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudras pas aller.» Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Puis il lui dit encore : «Suis-moi.»

Commentaire :

Au chapitre précédent, saint Jean avait comme mis un point final à son évangile : «Jésus a accompli en présence des disciples encore bien d’autres signes, qui ne sont pas relatés dans ce livre. Ceux-là l’ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. » (Jean 20 : 30)

L’encre était à peine séchée, l’édition finale tirée, que l’évangile de Jean s’arrachait déjà comme des petits pains chauds. De tous les coins de l’univers chrétien du temps, les croyants voulaient entendre la version de l’évangéliste de Patmos, «le Disciple que Jésus aimait. » On se disait qu’après tant d’années de réflexion, la fin de siècle venait à peine de sonner, la Bonne Nouvelle du disciple à qui Jésus avait confié sa Mère en mourrant, comporterait certes de l’inédit. La tentation était grande d’y retrouver à part égale l’évangile de la Mère de Dieu : comment Marie avait conservé avec soin tous ces souvenirs et les méditait dans son coeur. (Luc 2.19)

Mais voici que le vieillard ou un de ses disciples donna ordre de suspendre l’édition : «Arrêtez ! Nous allions oublier un chapitre important! » Et c’est ainsi, enfin plus ou moins, que le chapitre 21e de l’évangile selon saint Jean prit place officiellement comme un post-scriptum à l’Évangile. Aucun manuscrit ne figure sans cet admirable ajout, chose d’autant plus étonnante que, sans crainte d’éclipser «le disciple que Jésus aimait», il met Simon Pierre au tout premier plan.

Deux passages (21:1-14 et 15-19) considèrent la personne de Pierre sous des aspects différents. On pourrait presque souhaiter que le second ait précédé le premier : après la mission confiée à celui qui affirmait à trois reprises son amour pour Jésus (15-19), il serait à souhaiter de trouver la mise en ouvre de cette responsabilité de Pierre qui ramene à lui seul sur la rive les poissons, i.e. les élus, auprès du Christ, dans le Royaume de Dieu (1-14). Le chiffre 153 est d’importance relative et mérite peu d’attention. L’évangéliste saint Luc rapporte un fait analogue à l’incident ici relaté (Luc.5 : 1-11) : Le Seigneur enseignait de la barque de Pierre et c’est alors qu’après avoir mis l’apôtre au défi de relancer son filet, après une nuit sans prise, il lui dit : «Je ferai de toi un pêcheur d’hommes.» Luc présente l’événement comme une perspective de l’histoire du salut.

Dans l’évangile de saint Jean, l’anecdote se place ici comme s’il s’agissait d’une toute première apparition du Christ ressuscité. Les disciples sont retournés à leurs occupations. Pierre invite ses confrères à la pêche. Après une longue nuit de travail, au moment de rentrer bredouille, l’inconnu du rivage les invite à relancer leur filet. Après cette «seconde» pêche miraculeuse, Jean, le compagnon de travail de Pierre, réalise que c’est le Seigneur. Qui va ramener à terre le filet plein de gros poissons frétillants ? Pierre. Suit alors le «déjeuner sur la plage» déjà préparé par Jésus. Et de nouveau, la mission confiée à Pierre mais en des termes quelque peu différents de ceux que Luc utilise. Par trois fois, Jésus demande à Pierre : «M’aimes-tu? » et à la réponse affirmative de l’apôtre, Jésus de lui dire : «Sois le berger de mes agneaux». «Le pasteur de mes brebis». et pour terminer : «Le berger de mes brebis. » Dans la foulée de cette note historique, l’évangéliste note d’une façon tout à fait remarquable que c’est Pierre, lui seul, qui tire sur le rivage le produit de la pêche qu’il dépose aux pieds du Christ. «Désormais, ce seront des hommes que tu prendras», lui avait-il déclaré, selon saint Luc (5 : 10 ).

Pourquoi cet appendice à l’évangile de Jean, «le disciple que Jésus aimait» ? Faut-il relever comme une certaine rivalité entre Pierre et Jean à travers tout ce 4e Évangile? La lecture de certains passages poserait question : 1 : 35-42; 13 : 23+; 18 : 15-27; 20 : 2-8. Y avait-il urgence de préciser, en ces premiers temps de l’Église, lequel des apôtres avait la primauté pour diriger l’Église naissante ? Un fait demeure : le choix du Seigneur est l’amour de Pierre : «M’aimes-tu plus que ceux-ci? » Voilà ce qui peut être de nature à expliquer les préférences de l’Esprit Saint dans la succession de Pierre et éclairer tout ce qui peut parfois porter ombrage sur le pasteur de l’Église. Évidemment, cette conclusion achoppe dans le cas de maints autres pontifes qui figurent dans la lignée des papes.

Dommage que ce post-scriptum (Jn. 21) figure en pied de page ; sa lecture au tout début de l’évangile de Jean serait de nature à apporter un relief inusité à cette Révélation.

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