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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

2e Dimanche de l’Avent. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Des « aujourd’huis » prometteurs

«L’an quinze du règne de Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode, prince de Galilée, son frère Philippe, Prince du pays d’Iturée et de Traconitide, Lysanias, prince d’Abilène, les grands prêtres étant Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie.

«Il parcourut toute la région du Jourdain et proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés, comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe : «À travers le désert une voix crie : préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits ; les routes déformées seront aplanies et tout homme verra le salut de Dieu ».

Commentaire :

La célébration de ce deuxième dimanche de l’Avent, année “C”, ne fait aucune mention de Noël. Dans l’Évangile, Jean prépare la venue d’un Christ adulte dont il faut préparer le chemin; Paul, dans la deuxième lecture, recommande de marcher avec vaillance sans trébucher et le prophète Baruc invite Jérusalem à quitter sa robe de tristesse. Bienheureuse liturgie qui invite à négliger le souvenir pour fixer l’avenir, un «Demain» radieux ! Mais pourquoi pas un «Aujourd’hui» plein de promesse?

« LE TEMPS DES PAÏENS »

A travers Jean, le précurseur, saint Luc fait entrer Jésus dans l’histoire par la grande porte. À peine est-il question d’Israël, Anne et Caïphe seuls sont dignes de mention. Le rideau se lève sur le vaste monde, monde marginal sans doute et préoccupé de toute autre chose que de la naissance et de la venue du Rédempteur. Pourtant, c’est dans ce monde que Jésus va entrer, monde représenté par l’empereur romain Tibère, le gouverneur romain Pilate et les princes des régions limitrophes : « Tout homme verra le salut de Dieu ». L’Avent serait-il « le temps des païens », de ceux et celles qui ne connaissent pas le Christ et vers lesquels Dieu envoie son Fils. Notre monde, mon petit et mon grand monde ?

Jésus dans notre temps d’homme et au coeur de l’histoire de l’humanité, telle est bien la signature de Luc, évangéliste et historien, particulièrement dans cette page d’Évangile. Jésus au milieu des pouvoirs de son temps . Tibère César, maître du monde, Pilate, gouverneur de la région de Jérusalem ainsi que de la Samarie au nord et de l’Idumée au sud, Hérode, personnage célèbre au titre de meurtrier de Jean-Baptiste (Mt. 14:3-13) et antagoniste de Jésus (Mc.6:14-16), Philippe, prince du nord-est du lac de Tibériade, et enfin Lyzanias et la région au nord-ouest de Damas, territoire étranger à la Palestine, et d’Israël, Anne et Caïphe, grand prêtre. Pourquoi un grand prêtre et deux titulaires sinon que la fonction n’était jamais exercé par un seul. Anne a joué un rôle important dans l’instruction du procès de Jésus (Jn. 18:13-24) et Caïphe, son gendre, a livré Jésus à Pilate pour qu’il soit jugé et condamné (Mt.26:3, 57). Après tout ce beau et grand monde, ce «monde des païens», est-il possible de nous faire une toute petite place pour avoir droit nous aussi au salut, un place avec les bergers et les démunis ? Jésus avec nous, voilà bien où le nom « Emmanuel » (Isaie 7:14) prend tout son sens et sa promesse. «Toute chair verra le salut de Dieu ».

LE TEMPS DE JEAN BAPTISTE

Après un silence de près de cinq siècles (Ps. 74:9), Jean, fils de Zacharie, entre en scène. Jean Baptiste vit au désert. Avait-il noué contact avec les Esséniens, secte juive fondée au 2e siècle avant Jésus et connue pour son austérité, le fait demeure vraisemblable. La réputation de Jean est si grande que l’on accourt vers lui de Jérusalem, de toute la Judée et de la région du Jourdain. Jean s’était donné comme mission de proclamer un baptême de repentance (Actes 13:24), ce faisant, il prolongeait la prédication des prophètes de l’Ancien Testament. La nouveauté qu’il apportait était de sceller cette conversion par un baptême, rite emprunté aux ablutions traditionnelles du Judaïsme et aux pratiques des Esséniens. Jean précise qu’une seule conversion est possible pour obtenir le salut promis par Jérémie (31:34) et Ezéchiel (36:25). Le baptême de Jean n’avait rien à voir avec le baptême chrétien : « Pour moi, je vous baptise dans l’eau, mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses chaussures ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le Feu » (Lc. 3:16). Jean donne connaissance du salut par la rémission des péchés, mais ce pardon sera l’oeuvre de Jésus (Lc. 24:47). Comme le prophète Isaïe, Jean est la « voix qui crie dans le désert » (Is .40:1-8), et l’effort de préparation exigée nous ramène à l’exode, la longue marche du peuple de Dieu à travers le désert et toutes les interventions divines pour rendre possible ce cheminement vers la Terre Promise, le salut.

NOTRE TEMPS

« Toute chair verra le salut de Dieu ». Luc considérait l’annonce du salut de Dieu pour tous comme une tâche personnelle à Jean Baptiste (1:77). Siméon avait déjà annoncé ce salut universel de Dieu à la vue de Jésus enfant (Lc. 2;30) et le dernier mot de Paul le proclame encore : «Sachez-le donc : c’est aux païens qu’a été envoyé ce salut de Dieu. Eux, ils écouteront » (Actes 28:28) Le thème était particulièrement cher à saint Luc et ses auditeurs grecs y étaient fort sensibles.

La question demeure : pourquoi l’évangéliste apporte-t-il autant d’attention à la venue et la mission de Jean-Baptiste avec moult références à l’histoire contemporaine. A noter que depuis le début de son évangile, Luc traite solidairement de Jean-Baptiste et de Jésus. Son synchronisme historique vaut donc pour l’un et l’autre. La mention des chargés de pouvoir du temps est davantage reliée à la royauté de Jésus qu’à Jean Baptiste. Et le fait de situer Jésus et le Baptiste dans l’histoire profane est la manière grecque de conter l’histoire. L’histoire du salut coïncide avec l’histoire profane, elle se déroule dans le temps et non hors du temps, et elle comporte un temps de préparation

Tel est le sens de notre liturgie pour ce 2e dimanche de l’Avent de l’ année “C” : nous rappeler que la venue du Christ n’est pas qu’un fait historique, mais quotidien, un fait d’hier mais davantage d’aujourd’hui et non moins de demain. Chaque jour écrit une page de l’histoire de notre salut comme ce fut le cas au temps de Jean Baptiste, de Tibère, de Pilate etc…

Mais non moins importante demeure l’obligation de collaborer à cette venue. Chaque jour de cet Avent, il nous importe de préparer au Seigneur notre coeur rempli d’aspérités, en aplanissant les chemins et en redressant les sentiers : un coeur droit et sincère, voilà tout ce que demande la venue du Christ dans nos vies. Il nous faudrait relire Matthieu et ses réminiscences de la prédication de Jean-Baptiste : « Produisez donc un fruit qui soit digne du repentir »… (Luc 3:1-18 et Mat. 3.8)

Jean Baptiste était là, à ce moment de l’histoire. Aujourd’hui, d’autres prophètes se font entendre : Helder Camara, Jean Vanier, la «Marche des femmes», et ils sont plus nombreux que nous ne le croirions à dénoncer les injustices de notre temps, mot susceptible de résumer à lui seul tous nos manquements et nos infidélités à l’amour. Saurons-nous les écouter ? Ne sont-ils point comme Jean Baptiste des voix qui crient dans le désert pour un peuple en marche vers la terre Promise. Qu’importe le lieu, l’essentiel est de cheminer aujourd’hui, d’avancer, de redresser les routes, d’aplanir les collines et de combler les ravins, disons tout obstacle à nos relations fraternelles, signes de notre relation avec Celui qui est venu, qui vient et viendra.

La voix des anges en la nuit de Bethléem résume bien ;le message de ce deuxième dimanche : « AUJOURD’HUI , dans la Cité de David, un Sauveur vous est né, qui est le Christ Seigneur. Et ceci vous servira de signe : vous trouverez l’enfant nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche » (Luc. 2:11)

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