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Cinéma d'aujourd'hui,

Responsable de la chronique : Gilles Leblanc
Cinéma d'aujourd'hui

Des films chrétiens : RISEN, de Kevin Reynolds et LE FILS DE JOSEPH, d’Eugène Green

Imprimer Par Patrick Bittar

Risen, de Kevin Reynolds

En Judée, en l’an 33, une centurie romaine menée par Clavius, un tribun militaire, vainc un groupe de rebelles hébreux entraîné par un certain Barrabas. A peine revenu à Jérusalem, Clavius est convoqué par Ponce Pilate : le préfet l’envoie surveiller le déroulement, au-delà des remparts, de la crucifixion d’un Nazaréen nommé Yeshua. Poussé par le Sanhédrin et le grand prêtre Caïphe, Pilate demande aussi à Clavius de s’assurer que le cadavre de celui qui s’était présenté comme le Messie libérateur du peuple juif ne soit pas escamoté par ses disciples dans le but de faire croire à la réalisation de sa résurrection annoncée. Si bien que lorsque le tombeau est retrouvé ouvert et vide, et que des rumeurs d’apparitions commencent à circuler, Clavius est sommé de retrouver le corps au plus vite. Il s’agit de maintenir l’ordre impérial. Coutumier de la violence, totalement étranger au monothéisme juif, le tribun va mener l’enquête, et progressivement être transformé par ce qu’il découvre.

La lecture des Evangiles m’a souvent donné envie d’en adapter tel ou tel passage au cinéma. A défaut d’avoir abouti, l’exercice m’a toujours paru bénéfique : se plonger dans une « scène » en révèle certains aspects qui échappent à une lecture moins « incarnée ». Ainsi, les tentatives de réalisateurs qui s’inspirent avec respect des Evangiles sont toujours intéressantes. De nos jours, elles sont rares : The Passion of the Christ de Mel Gibson date déjà d’il y a 12 ans.

Risen (La résurrection du Christ), de Kevin Reynolds,[i] n’est certes pas un grand film. Certaines scènes sont balourdes … mais d’autres m’ont ému aux larmes. Et le point de vue est pertinent : celui d’un païen ignorant tout du message biblique. Clavius (bien interprété par le britannique Joseph Fiennes, le frère de Ralph) se retrouve « embedded » (intégré) au groupe de disciples pourchassés. Déboussolé par ce qu’il voit, il interroge Pierre, qui lui répond : « I haven’t every answer.  We’re astounded too (…) We are followers : we follow to find out. » En français, le terme sectateur traduit mieux que disciple l’humble abandon de celui qui, dépassé, suit le Bon Berger.

Pour un croyant, qui peut avoir tendance à considérer la Révélation comme allant de soi, la vision proposée par Risen est revivifiante ; pour les incrédules, elle est recevable … même en France, où il a fallu quand même que Sony insiste auprès de sa filiale pour que le film soit distribué en salles. Car Risen est un de ces films dits faith-based, produits chaque année aux Etats-Unis par Affirm Films, une société créée par Sony en 2008 pour cibler les chrétiens.

Le fils de Joseph, d’Eugène Green

Résistance

Vincent est un adolescent qui vit seul avec sa mère, Marie (Natacha Régnier), à Paris. « Tu n’as pas de père » est la réponse qu’il obtient systématiquement lorsqu’il l’interroge sur l’identité de son géniteur. Alors il passe du temps dans sa chambre, à broyer du noir face à une reproduction du Sacrifice d’Isaac, du Caravage. Un jour, en fouillant dans les affaires de sa mère, il trouve une lettre retournée à l’expéditrice par un certain Oscar (Mathieu Amalric), qui l’avait quittée suite à son refus d’avorter. Vincent retrouve le maroufle : c’est un éditeur en vue, cynique et égoïste. Il s’introduit dans ses bureaux, dans l’intention de l’égorger. Mais sa rencontre avec le frère d’Oscar, Joseph (Fabrizio Rongione), un homme bon, désargenté et généreux, va ensoleiller son existence…

Le fils de Joseph est le sixième film d’Eugène Green, un réalisateur au style singulier, entre Robert Bresson et Eric Rohmer, avec une touche d’humour en plus. Ses comédiens disent leur texte d’une voix blanche, en marquant toutes les liaisons, même les plus indues ! Green se moque des bobos parisiens, du milieu littéraire germanopratin[ii] (Maria de Medeiros joue une critique aussi snobe qu’ignorante), et de l’überisation des mentalités (un jeune tente d’associer Vincent à son « business très rentable » de vente de sperme, « un travail moderne, artisanal, écologique »). Le ton combine cette ironie et une naïveté assumée.

Le substrat chrétien affleure non seulement à travers les noms de certains personnages et les titres des cinq chapitres, tirés des Ecritures (Le sacrifice d’Abraham, Le veau d’or, etc.), mais aussi via la lumière sur laquelle le film débouche avec grâce : une espérance fondée sur la reconnaissance des signes divins. Comme Vincent fait part de sa perplexité devant le sacrifice demandé à Abraham, Joseph répond : « C’était la voix de son orgueil. – Et la voix de l’ange ? – C’était la voix de Dieu. – Comment fait-on pour être bon ? – Il faut écouter la voix de Dieu. – Mais où est-il ? – Il est en nous. Il nous dit d’aimer. »

« Je trouve qu’aujourd’hui les gens se complaisent dans le désespoir », dit Marie. « Plutôt dans le cynisme », lui répond Joseph. « Ils ne savent même pas qu’ils sont désespérés. » Le fils de Joseph témoigne ainsi d’un esprit de résistance spirituelle et esthétique. D’ailleurs, lors de l’épisode final de La fuite en Egypte aux abords des plages normandes, la famille recomposée – Marie, Joseph et Vincent – croise un habitant du coin, qui va leur prêter son âne ; comprenant immédiatement qu’il a affaire à des fugitifs, il leur enjoint, de façon mystérieuse : « Résistez. » 

Patrick Bittar, Paris
réalisateur de films

[i] Qui a notamment réalisé Robin Hood (1991) et Waterworld (1995), tous deux avec Kevin Costner.

[ii] En référence aux intellectuels de Saint-Germain-des-Prés, de Paris.


Cette chronique est présentée en collaboration avec la revue Choisir, une revue culturelle ouverte et d’inspiration chrétienne de la Suisse Romande.

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