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Responsable de la chronique : Marius Dion, o.p.
Témoins du Christ

Benoît Lacroix, le frère dominicain

Imprimer Par Guy Lapointe, o.p.
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Intervention lors de la veillée de prière autour de la dépouille de Benoît Lacroix.

Benoît Lacroix, un frère dominicain. On l’a dit et répété depuis l’annonce de son décès, le Père Lacroix a poursuivi, toute sa vie, une longue et profonde conversation avec le monde et avec l’Évangile. Une conversation commencée et enracinée dans sa terre natale près du fleuve. Il l’a écrit et il le disait souvent, je serai toujours un enfant de la ferme.

Il y a quelques semaines, je déjeunais avec lui et il me disait que, souvent, il sentait le fleuve couler en lui.  C’est son enracinement dans la terre de St-Michel-de-Bellechasse qui lui permettait, dans ses interventions, d’ouvrir le fleuve aux personnes et aux groupes qu’il rencontrait. Un traceur de chemin, a-t-on écrit. Un homme ouvert, un penseur libre. Ce qui lui permettait d’aller au fond des choses et d’inviter les personnes et les groupes rencontrées d’aller toujours plus loin. Même à 100 ans, il n’était pas vieux…

Un croyant immense, un homme de foi. Il a ouvert l’avenir à bien des personnes qui, à son contact, retrouvaient un sens à leur vie, un meilleur goût de la vie. Chaque rencontre permettait à la personne, qu’elle soit croyante ou non,  d’en ressortir plus éclairée et avec un regard plus profond sur la vie. Une vision large de la religion et de la foi. Pour lui, l’Évangile était une ouverture et, d’une certaine façon, il se faufilait à travers la vie.

Le Père Lacroix était plein d’humanité comme l’est l’Évangile. Il était capable de prendre des distances par rapport à l’institution d’Église, mais on sentait, en même temps un profond respect. Lors d’un déjeuner de la prière au cours de laquelle on célébrait ses 75 ans, il avait dit ceci : «  J’aime l’Église. Pas n’importe laquelle, pas nécessairement celle décrite par les journaux écrits et télévisés… pas seulement l’Église du pape ou des théologiens… en un mot, j’aime l’Église globale, totale universelle divine et humaine…  Cette Église – et je ne veux pas séparer ce que Dieu a uni – c’est ma vie ».  Il souhaitait que l’Évangile nous ouvre vraiment à une large dimension d’accueil de la vie.

Ses recherches comme médiéviste, de même que son regard sur sa mère et son père l’ont aidé à mieux saisir le sens de la religion populaire. C’est ce qui lui a permis de réfléchir et de publier. La religion de mon père et la foi de ma mère.  Deux livres marquants.

Même si tous les frères dominicains l’appelaient le Père Lacroix, c’était d’abord un frère manifestant un accueil inconditionnel, mais, en même temps, un accueil qui ne s’imposait pas. Un homme taquin et qui aimait se faire taquiner quand on était autour de la table. Un homme simple qui parlait souvent avec humour de ses recherches intellectuelles. Ce n’était pas l’homme pour faire montre de ses connaissances et de son travail intellectuel.

On sentait chez-lui lui une fraternité saine avec, souvent, de superbes  paroles de sagesse. Un homme humble qui cherchait, lors de moments difficiles, à détendre l’atmosphère. Il ne jouait pas un personnage. Pour marquer ses cent ans, il a tenu à célébrer avec ses frères, puis se rendre, le jour même, dans sa terre natale. Cette façon dit bien l’enracinement de ce frère. En somme, un homme heureux, capable de rendre les autres heureux.

Une vie dominicaine bien remplie. Même avec ses 100 ans, il était toujours présent à la vie liturgique de la communauté dominicaine. Il a écrit que les rites le fascinaient, l’eucharistie surtout. Il aimait présider l’eucharistie à la communauté chrétienne de St-Albert et de faire des homélies plutôt brèves, mais qui ne manquaient jamais de profondeur et même d’humour. Il a souvent répété et écrit qu’il aimait la prière et les frères en bénéficiaient. Une vie dominicaine, une présence de qualité mais, sommes toute, discrète.

En mai 2014, lors d’une rencontre dominicaine, on avait demandé à Benoît de prendre la parole. Il nous énuméra avec son humour à lui, tous les changements dont il avait été témoin dans sa vie dominicaine, et il y en avait pas mal. Mais le plus important, c’était ce qui n’avait pas changé : Dieu notre Père qui est amour et qui se donne à nous,- Jésus qui se fait l’un de nous pour nous sauver – l’Esprit qui nous anime toujours – puis Marie notre mère attentive à chacun de nous – et Dominique dont la mission n’a pas changé. Le tout était improvisé avec quelques mots d’aide-mémoire. Oui, Benoît un homme libre et audacieux.

Dans son dernier livre Rumeurs à l’aube, il écrit une superbe page où il parlait de sa relation avec le Fr. Michel, un frère coopérateur décédé, qui le conduisait presque tous les jours en voiture. Il écrit : « Nous avons beaucoup causé durant nos multiples trajets. Une question revenait souvent : Qu’est-ce qui va se passer de l’autre bord, au ciel? Qu’est-ce qu’on va faire pour passer le temps? Invariablement je lui répondais ; ça ne sera pas comme ici, frère Michel, ça va être sûrement autrement… (p.150).

Une vie humaine bien remplie qui s’ouvre sur l’éternité. La communauté dominicaine de St-Albert ne sera plus jamais la même. Sa présence aura désormais une dimension d’absence. Benoît, tu nous manqueras beaucoup, mais tu ne seras jamais loin. Tu nous ouvres, comme tu le disais souvent, à une vie plus large, tel le fleuve qui se jette dans l’océan. Reposes en paix!

Guy Lapointe

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