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Responsable de la chronique : Jacques Marcotte, o.p.
Éditorial

Naufrage ou sauvetage?

Imprimer Par Jacques Marcotte & Anne Saulnier

Cette semaine encore, la Méditerranée faisait office de cimetière, alors que des centaines de gens étaient entassés dans des rafiots qui n’ont pratiquement aucune chance d’arriver à destination. La situation n’est pas nouvelle et se répète plusieurs fois par semaine, mais ces derniers temps, elle atteint une ampleur jamais égalée, nous forçant à ouvrir les yeux sur ce qui pourrait bien se révéler une nouvelle forme d’esclavage; car il s’agit bien d’un trafic d’êtres humains, hommes, femmes et enfants, prêts à risquer leur vie pour le rêve d’un monde meilleur que leur font miroiter les passeurs. Nous ne savons rien de ces derniers, mais ils constituent fort probablement le dernier maillon d’une chaîne extrêmement complexe d’abuseurs qui savent profiter de la vulnérabilité de populations, lesquelles essaient simplement d’échapper à des pays aux prises avec la guerre civile, la pauvreté endémique, le chômage, la maladie, etc.

Sur des milliers de personnes qui tentent d’atteindre l’Europe, quelques uns seulement réussissent, mais au rythme où vont les choses, le nombre de ces émigrés clandestins ne cesse de croître. Les pays européens situés sur les bords de la Méditerranée sont complètement débordés et demandent l’aide des autres pays situés plus au nord.

Bien que la tendance ait été pendant longtemps de fermer les yeux sur la situation que vivaient l’Italie, la Grèce et l’Espagne, le monde commence à se réveiller et l’Amérique se sent aussi concernée. Des mesures timides ont été prises en Europe qui, de par sa position, se trouve directement concernée par l’hémorragie; il y a concertation au sujet de mesures urgentes à prendre : sauvetage en mer, accueil des réfugiés, hébergement et soins, mais ces mesures ne peuvent être que des mesures d’urgence. Elles sont élémentaires, mais malheureusement, ne règlent rien en profondeur, puisqu’elles ne s’attaquent pas aux causes d’un problème qui est extrêmement complexe. Cela explique d’ailleurs peut-être que nous ayons si longtemps fait le choix de fermer les yeux Par contre, force nous est de constater que notre inaction n’a fait que maintenir, et même amplifier la situation. Nous ne pouvons plus revendiquer la neutralité et demeurer simplement des observateurs, car cela revient à nous faire les complices de toute cette souffrance commise par les acteurs qui ne sont intéressés que par le pouvoir de l’argent.

Est-il possible de faire autre chose que de simplement chercher à justifier notre inertie ou à imputer aux autres les responsabilités de ce qui arrive? Nous devons pousser plus loin notre enquête et notre réflexion, considérer nos responsabilités et voir comment nous pourrions agir, comme sociétés, afin que ces populations puissent bénéficier de conditions de vie telles, qu’elles n’aient plus besoin de quitter leur pays, parce qu’on y aurait aboli la guerre et enrayé la pauvreté, parce qu’on y aurait diminué l’influence des alliances qui se bâtissent autour du profit, sans égard pour les effets pervers et les collatéraux négatifs qu’elles produisent.

À court terme, il est certain qu’il faut que cesse le trafic de ces populations itinérantes en détresse. Des moyens sont déjà en place, mais ils ne suffisent pas. Il faudrait y mettre plus de ressources, et à ce titre, les organismes internationaux peuvent être d’un grand secours.

L’Europe ne peut pas tout faire toute seule. L’enjeu déborde ce continent. Il faut une concertation véritablement mondiale pour trouver des pistes de solutions à moyen et à long terme qui s’attaquent directement à ce problème qui se moque des frontières. Il faut travailler à la stabilité des pays en instaurant quelque chose comme un nouvel ordre international, et ce n’est sûrement pas par la guerre ou par l’isolement que nous pouvons y arriver.

Le siècle dernier, le XXe siècle, a permis l’émergence de grands leaders qui ont su apporter des solutions pacifiques à des situations qui semblaient perdues tant elles étaient complexes. Ils nous ont montré le chemin à suivre. Que ce soit, Martin Luther King, Gandhi, Mère Teresa et plus près de nous, Nelson Mandela, tous ont eu en commun ce souci du dialogue, dans une relation d’égal à égal, en employant un langage qui partait d’un même désir de paix et de libération. Ne pourrions-nous pas nous en inspirer et nous appliquer en tant que sociétés à faire en sorte que ces populations puissent bénéficier elles aussi de meilleures conditions de vie?

Participer à un monde meilleur, bâtir au lieu de détruire, éduquer pour éviter l’asservissement, oeuvrer ensemble pour le bien de tous et non pas pour le seul bénéfice d’une minorité, n’est-ce pas aussi travailler à l’avènement du Royaume de Dieu? Est-ce un rêve, une utopie? Non, simplement une question de vouloir agir ensemble pour humaniser plus notre monde.

Anne Saulnier et Jacques Marcotte, OP
En collaboration
Québec

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