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Témoins du Christ,

Responsable de la chronique : Marius Dion, o.p.
Témoins du Christ

Témoignage de la prière

Imprimer Par Christian Bobin

Aumônier à l’Hôpital ROI FAICAL de Kigali, depuis 1994, j’assure la messe tous les vendredis midi et je visite ensuite les malades hospitalisés. Ils sont peu nombreux, environ une trentaine ! 

La chapelle bien aménagée par des dames bénévoles est toujours ouverte à ceux qui veulent venir y prier devant le Saint Sacrement exposé sur l’autel ; y viennent surtout des infirmières, des travailleurs et des visiteurs. Or il m’arrive de trouver sur l’autel ou près de l’autel des papiers sur lesquels sont rédigées des intentions de prières. En voici deux exemples… 

Padri Aumônier XY

A Jésus, miséricorde, louange et gloire, à toi Seigneur ! 

Je te demande d’avoir pitié de moi, guéris-moi de mes péchés et de mes mauvaises habitudes qui m’enferment dans le mal.

Je te supplie, donne la paix à notre famille. Donne à chacun l’amour fraternel. Jésus, chasse la mort de ma famille, par ton nom tout-puissant et par ton pouvoir très grand. Et je te demande sagesse et force pour mes enfants. Je te demande de guérir ma fille Lidiya, guéris-la de ses blessures et donne-lui du travail. Donne à mes enfants, ta bénédiction pour qu’ils te respectent. Donne-leur l’amour fraternel, surtout à Kayiganwa Françoise, guéris-la de son mépris envers les frères de son mari. Je te demande la paix dans le travail que tu m’as donné. Que tu puisses me donner une maison et je te remercie puisque tu exauces ma prière !

Celle qui te prie humblement, Caritas

A Jésus, le Très bon !

Je te remercie pour tout le bien que tu m’as fait pendant tous les jours de ma vie, sois béni ! Je ne doute pas que tu puisses encore accomplir des miracles. C’est pourquoi, je te demande de me faire miséricorde ; guéris-moi de tous mes péchés et de toutes mes mauvaises habitudes. Oui, je te demande de guérir ton enfant et bénis-la. Et je te prie pour Cécile qui est malade des oreilles, qu’elle puisse entendre comme les autres. Merci Seigneur, toi qui entends le cri de ma prière. Donne à mes frères et sœurs l’amour fraternel, surtout à Françoise K. qui méprise les membres de la famille. Je te demande la paix que tu ne cesses de donner. Merci, Jésus, toi qui entends le cri de ma prière.

Moi, ta servante, Thérèse

Texte de Christian Bobin

Ce qui fait une personne. L’amour est là devant le pire, confronté à son propre mystère : qu’aimons-nous dans ceux que nous aimons ? Leur force – mais quand ils n’en ont plus ? Leur charme – mais quand il les a désertés ? Leur parole – mais quand elle est détruite ? Qu’est-ce qu’une « personne » ? Qu’est ce qu’aimer ? Aimons-nous ceux que nous croyons aimer ? Questions, questions, questions – et pour les réponses on verra dans une autre vie. Peut-être. Sûrement. Peut-être.

Dimanche 10 novembre

Seigneur, tout aujourd’hui dit ton absence : le ciel mouillé, la terre froide et la voix de ce prêtre – un peu d’eau tiède dans un verre sale. Ceux qui font métier de nous parler de toi ont souvent moins de grâce que la première alouette surprise dans son jaillissement bleu.

Seigneur, j’écris en l’an 1996, dans un pays qui multiplie son or en même temps que ses pauvres. C’est une terre ingrate. Les paroles qui y poussent rendent un son de pluie et de pièces de dix francs.

Seigneur, j’ai entendu un homme, trente ans après son mariage, me parler de sa femme. Son cœur chavirait dans sa parole – comme l’eau des fontaines, l’été, jette ses étincelles dans les mains jointes des promeneurs. Ces merveilles-là sont assez rares pour mériter d’être notées. Cet homme m’a dit sa joie d’enfant, quand sa femme est sortie, à retrouver partout dans la maison des trognons de pommes qu’elle a, gourmande abandonnés. Et moi, Seigneur, je vais dans ma vie petite et douce comme dans une résidence secondaire, cherchant partout des signes enfantins de ton contentement, et je trouve et j’éclate de rire devant les traces de ton séjour, les trognons de pommes célestes.

Seigneur, ce n’est pas toi qui fait défaut, c’est nous qui nous rendons absents. Une fois de plus pardonne-nous. Ce ne fera jamais qu’un milliard de fois. Chacun a toute sa vie pour t’entrevoir, avant la montée noire des eaux. Une vie, même brève, c’est bien plus qu’il n’en faut. Alors, Seigneur, patiente, pardonne, espère – et cogne un peu plus fort sur le vieux bois des âmes : travaille.

Jeudi 6 mars

Impossible de parler de Dieu sans prononcer aussitôt une quantité invraisemblable de bêtise. On ne peut rien dire de Dieu, seulement parler avec lui, en lui. Si cette phrase semble folle ou prétentieuse, on l’entendra sans doute mieux en y remplaçant le mot « Dieu » par le mot « amour » qui est son exact équivalent : impossible de parler de l’amour sans prononcer aussitôt une quantité invraisemblable de bêtises. On ne peut rien dire de l’amour, seulement parler avec lui, en lui.

Les fous, les lépreux, les hystériques, les aveugles, le muets, les paralytiques : le Christ vient à bout de tous. Il n’y a que deux catégories devant lesquelles il échoue et s’impatiente : les imbéciles et les doctes. Ceux-là ont en commun leur suffisance. Personne, jamais, ne leur fera entendre une chose aussi simple : que l’amour est source de la plus grande intelligence possible. La bêtise et l’esprit de système sont deux endurcissements, deux manières d’éprouver sa puissance sur le monde. Personne, jamais, ne lâche de son plein gré la puissance qu’il a, fut-elle imaginaire.

BOBIN, Christian, Autoportrait au radiateur, Paris, Ed. Gallimard, 1997.

 

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