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Témoins du Christ,

Responsable de la chronique : Marius Dion, o.p.
Témoins du Christ

Un témoignage venant du Japon

Imprimer Par Paul-Henri Girard

Paul-Henri GIRARD, dominicain missionnaire au Japon depuis 50 ans, vient de publier son journal « Sublimer le temps. Carnets », Tokyo, 2014, 170 pp. Nous transcrivons la page la page du 13 février 2008, pp. 39-40.

Monsieur Paul Ichikawa KON est décédé. Sa résidence est à deux pas de notre maison (de Tokyo). En 2004, ayant appris que je prenais un congé de deux mois pour aller au Québec, il m’invita dans un chic restaurant de Tokyo. Au cours du repas, il me dit : « J’ai 89 ans. Mes jambes ne m’obéissent pas toujours, mais je dirige l’équipe qui travaille avec moi. Je pars la semaine prochaine pour une tournée d’un mois à Kyôto pour faire un court métrage sur les jardins. J’ai l’embarras du choix. A mon avis, c’est la plus belle ville du Japon et peut-être de l’Asie. Venez avec moi ».

En terminant sa phrase il a souri et alluma une cigarette (car il fume comme une cheminée).

Sa carrière de cinéaste lui apporta de beaux moments de gloire. Monsieur KON – c’est ainsi qu’on le nomme ordinairement – a dirigé le documentaire sur les Olympiques mondiaux tenus au Japon en 1964. Généralement, ce genre de film montre surtout les exploits des grands athlètes. Le film de M. KON, à la surprise de tous, montra davantage les petits côtés durs des entraîneurs et des athlètes. Je crois retrouver là une influence de son épouse, Wada Natto, chrétienne de notre église de Shibuya.

Elle était poète et écrivit plusieurs scénarios pour les films de son mari. Entre autres celui de La lire de Birmanie (1956) devenu très célèbre et qui raconte le pénible retour des soldats japonais en 1945. Une œuvre qui lui valut un grand prix. En 1998, Les Editions Kôdansha ont consacré un livre à son mari, à l’occasion du 50e anniversaire de sa carrière de cinéaste professionnel.

All film works of Ichikawa Kon. Magnifiques photos, la plupart en noir et blanc, ce qui donne une certaine profondeur, et fait penser que la technique de M. Kon peut facilement rivaliser avec celles des grands cinéastes japonais de son temps, tels que Kurosawa Akira, ou Miyashita Keisuke. Un livre de 400 pages qui nous présente sommairement ses 73 films.

Deux mois après sa parution, M. Kon m’apporta son livre, s’excusant du retard. A la page 5, une dédicace : Au Père Girard, avec affection, 1992-2-12, Ichikawa Kon. En 2001, il reçut au Festival du Film de Montréal, la plus haute décoration pour l’ensemble de son travail dans le domaine du cinéma.

Cet homme avait un cœur d’enfant. Je ne sais pas comment ses collaborateurs le voyaient au travail, mais chaque fois que je le rencontrais, il s’excusait de ne pas faire des films plus religieux. Ce qui est injuste, car l’amour familial, le rejet des pauvres et des humiliés ne sont jamais absents de ses œuvres.

Quelques mois après son baptême (25 mai 1980), j’ai voulu savoir s’il était heureux d’être chrétien, si son geste influençait sa vie de cinéaste. Il m’a répondu : « Je crois que les plus heureux sont ma femme, ma fille et mon fils. Moi j’avoue en pas trop savoir. Pour être franc, je ne sais même pas si j’ai la foi. Mais Jésus lui, doit le savoir. Cela me console ». Sa réponse le rapprochait inconsciemment de cette parole de Jésus : « Heureux qui croit sans voir ».

(Le rapporteur de cette chronique terminerait plutôt en disant : « Heureux qui croit sans le savoir » !! – Marius Dion, op)

Selon les informations de la Fondation du cardinal Kung, sise aux États-Unis, dès l’annonce de la mort de Mgr Fan, un prêtre de la communauté « clandestine » de Shanghai a célébré une messe pour le repos de son âme, dans l’appartement où résidait le vieil évêque. Mais puisque ce domicile étant placé sous la vidéosurveillance constante de la police, des officiels de la municipalité de Shanghai ont pénétré peu après dans l’appartement. Tout en retirant la calotte épiscopale placée sur le sommet de la tête de Mgr Fan  –  geste destiné à signifier leur refus de reconnaître à Mgr Fan sa qualité d’évêque de l’Église catholique  –  ils ont ordonné le transfert de son corps vers une maison funéraire de la ville.

Selon l’agence « Ucanews », ces mêmes autorités ont dans un premier temps annoncé que les fidèles catholiques n’auraient que deux jours pour venir se recueillir devant la dépouille de Mgr Fan, avant la célébration des obsèques et l’incinération de son cercueil. Il semble toutefois que ce délai a été rallongé. « Ils ont reconsidéré leur décision initiale après que l’administrateur « clandestin » du diocèse a émis une protestation et menacé de refuser de célébrer la messe de funérailles, en leur disant qu’ils auraient seuls à assumer la colère des fidèles », rapporte la source citée par l’agence catholique. Selon les informations recueillies par « Églises d’Asie », les obsèques seront célébrées ce samedi 22 mars, mais la demande de voir les funérailles se dérouler à l’église Saint-Ignace, cathédrale du diocèse, a été rejetée par les autorités ; celles-ci n’ont autorisé que la tenue d’un service religieux dans la cour de la maison funéraire où a été transportée la dépouille de Mgr Fan.

Né en 1918, Mgr Fan Zhongliang a été baptisé dans la foi catholique à l’âge de 14 ans. Entré dans la Compagnie de Jésus (Jésuites) en 1938, il est ordonné prêtre en 1951, à une date où les communistes affermissent leur emprise sur la Chine. A Shanghai, la métropole orientale symbole pour les nouveaux maîtres du pays de la compromission avec les  « impérialistes », la pression est particulièrement forte sur la communauté catholique, estimée à 120 000 membres et soupçonnée de vouloir saper la révolution. Le couperet s’abat dans la nuit du 8 au 9 septembre 1955 : plus de trois cents prêtres, religieux, religieuses et laïcs sont arrêtés. Mgr Ignatius Kung Pin-mei (Gong Pin-mei), l’évêque jésuite de Shanghai, est bien entendu du nombre, tout comme les Pères Jin Luxian et Fan Zhongliang (le futur évêque).

Pour le P. Fan Zhongliang, la sentence est de vingt ans de prison pour « crimes contre-révolutionnaires », peine qui sera purgée dans un établissement pénitentiaire du Qinghai où la tâche qui est confiée au prêtre est de transporter les cadavres des prisonniers décédés jusqu’au cimetière où ils sont inhumés. A sa libération, à l’issue de vingt ans de réclusion, le P. Fan ne recouvre pas une pleine liberté ; il est assigné dans un lycée de la province du Qinghai où il enseigne plusieurs années avant de recevoir l’autorisation de retourner à Shanghai.

Au début des années 1980, le diocèse de Shanghai a deux évêques, Mgr Kung Pin-mei, toujours incarcéré, et Mgr Aloysius Zhang Jiashu, jésuite lui aussi, âgé de 90 ans, qui a cédé sous la pression des communistes et qui a été consacré sans mandat pontifical (autorisation du pape) en 1960. En janvier 1985, le P. Jin Luxian est ordonné lui aussi sans mandat pontifical comme évêque auxiliaire « officiel » – et successeur potentiel – de Mgr Zhang. Pour ne pas laisser le champ libre à la partie « officielle » de l’Église, c’est alors au tour du P. Fan Zhongliang d’être ordonné évêque de Shanghai ; dans la clandestinité, l’ordination épiscopale lui est conférée le 27 février 1985 par un évêque du Qinghai.

Libéré de prison en 1986 mais affaibli par les années de détention, Mgr Kung Pin-mei part aux États-Unis en 1988, laissant les deux parties de l’Église à Shanghai dans une situation de division. Après sa mort, en mars 2000, Mgr Fan devient l’évêque en titre de Shanghai, nomination jamais acceptée par Pékin mais confirmée par le pape Jean-Paul II – ce qui entraîne son placement en résidence surveillée, mesure qui ne sera plus jamais levée.

Selon Antony Lam Sui-ki, chercheur au Centre d’études du Saint-Esprit, à Hongkong, Mgr Fan sera resté toute sa vie durant « un homme d’Église, ferme et persévérant ». En dépit du fait que Pékin et les autorités locales n’ont jamais reconnu son statut épiscopal, l’ensemble des catholiques de Shanghai lui a toujours témoigné un grand respect. Sitôt ordonnés, les jeunes prêtres, y compris ceux du côté «officiel», ne manquaient pas de venir se faire bénir par lui.

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