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Responsable de la chronique : Denis Gagnon, o.p.
Billet hebdomadaire

Un regard en avant

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

Le projet de charte des valeurs québécoises fait beaucoup parler. Les conversations portent principalement sur l’égalité des  citoyens et des citoyennes et sur la place de la religion dans l’espace public. En fond de scène, on retrouve diverses conceptions de la croyance, de nombreuses définitions de la foi. Il y a la foi selon les croyants et la foi selon les incroyants. Parmi les uns comme parmi les autres, un arc-en-ciel d’opinions et de prises de position.

Souvent, on affirme, et on affirme de façon catégorique. L’écrivain français André Frossard a écrit un livre qu’il a intitulé : «Dieu existe, je l’ai rencontré». Il fait partie de ces gens – et ils sont nombreux – pour qui Dieu est une certitude. Une expérience spirituelle exceptionnelle les amène à dire : «Je sais que Dieu existe. » ou encore : «Je sais qu’il y a un bonheur qui m’attend au-delà de la vie présente.»

En face de ces gens aux certitudes inébranlables, on rencontre d’autres personnes qui affirment des certitudes contraires : «Je sais que Dieu n’existe pas. Je ne l’ai jamais vu. Je n’en ai aucune preuve. Pour changer d’avis, il faudrait que je le touche.»

J’ai un ami qui dit : «Je ne sais pas si Dieu existe. Si un jour j’arrive à le savoir, alors je frapperai à la porte d’une église.» Pour être convaincu, mon ami attend l’illumination, la certitude. D’ici là, il ne s’aventure pas sur des sentiers inconnus.

Il y a ceux qui savent, il y a ceux qui ne savent pas. Et il y a ceux qui doutent. C’est parmi eux que je placerais les croyants, les vrais. Oui, vous avez bien lu : des croyants qui doutent.  Pour eux la croyance ou la foi ne repose pas sur des certitudes. Elle n’est pas d’abord affaire de connaissances. Elle les précède. On la trouve dans des vies qui se posent des questions. Des gens qui cherchent, des gens qui guettent les signes des temps de leur histoire personnelle comme de l’histoire collective. Ils ressemblent à ces chiens chasseurs, toujours à l’affût de la moindre odeur à renifler.

«L’attitude de la croyance et celle du doute sont pareillement créatrices et intuitives, et elles sont sœurs. La vérité les accueille avec une mesure égale. Il s’agit ici, comme en poésie, ou en art, ou en mystique, de récupérer la face cachée du savoir, d’un savoir destiné à ne jamais se révéler.» (Pierre Vadeboncoeur, Essais sur la croyance et l’incroyance, Bellarmin, 2005)

La foi accueille ce qui traverse l’existence du croyant. Elle cherche à lire les traces de Dieu dans le grand livre de la vie. Elle reçoit tout comme possible révélation de la vérité. «La croyance ouvre sur des révélations, sur des révolutions, dans ce dernier cas mêlée à des raisons critiques; mais même celles-ci dépendent de la confiance que l’on fait à ces révolutions projetées. Le mot «projetées», dans son autre sens, «lancées en avant», dit assez leur caractère aléatoire et peu raisonnable.» (Vadeboncoeur, op. cit.)

La foi ne se contente pas des évidences. Elle ne s’enferme pas dans ses trouvailles. Toutes les réalités qui s’offrent à elle, elle les reçoit comme autant de nouvelles questions, autant de pistes vers ailleurs. Dans les débats sur les valeurs québécoises, la foi est souvent perçue comme enfermée dans le passé. Elle est souvent confinée au patrimoine de notre mémoire collective. La vraie foi, cependant, est tournée vers l’avenir. Elle est en quête, quête de vérité, surtout parce qu’elle est en quête de sens. Son regard se porte en avant, vers l’avenir.

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