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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

13e Dimanche du temps ordnaire. Année C.

Imprimer Par Dominique Charles, o.p.

Jésus est venu nous appeler à la liberté

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 9,51-62.
Comme le temps approchait où Jésus allait être enlevé de ce monde, il prit avec courage la route de Jérusalem.
Il envoya des messagers devant lui ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue.
Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem.
Devant ce refus, les disciples Jacques et Jean intervinrent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ? »
Mais Jésus se retourna et les interpella vivement.
Et ils partirent pour un autre village.
En cours de route, un homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras. »
Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. »
Il dit à un autre : « Suis-moi. » L’homme répondit : « Permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. »
Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, va annoncer le règne de Dieu. »
Un autre encore lui dit : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. »
Jésus lui répondit : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »

COMMENTAIRE

liberte_JesusFrères, dit Paul, si le Christ nous a libérés, c’est pour que nous soyons vraiment libres. Le texte grec semble traduire une tournure sémitique : « C’est pour la liberté que Christ vous a libérés. » Jésus est donc un « libérateur ». C’est un titre qui est souvent donné à Dieu dans la Bible. C’est bien ainsi que ceux qui prient nomment Dieu dans les Psaumes (Ps 18,3 ; 19,15 ; 40,18 ; 70,6 ; 144,2) : mon Libérateur, mon Sauveur, mon Rédempteur. Je suis pauvre et humilié ; Dieu, viens vite à moi ! Tu es mon aide et mon libérateur : Seigneur, ne tarde pas ! (cf. Ps 70,6). L’Évangile est « Bonne nouvelle » parce que c’est la nouvelle de notre « libération ». Paul la résume en écrivant que Jésus est venu pour nous « appeler à la liberté ».

C’est bien cela que Jésus annonce quand il s’applique à lui-même un passage d’Isaïe après en avoir fait la lecture dans la synagogue de Nazareth : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a donné l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres : Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté… » (Lc 4,18). Dieu nous appelle donc à vivre dans la liberté, et saint Jean peut écrire dans son évangile : « si le Fils vous libère, vous serez vraiment libres ! » (cf. Jn 8,36).

Dans l’empire romain, au temps de Jésus et de Paul, il y avait des esclaves. L’image de l’esclavage est donc très suggestive ! Elle évoque à la fois la libération d’Égypte et la situation concrète des esclaves du 1er siècle. Jésus vient nous libérer de tout ce qui fait de nous des esclaves et il nous appelle à vivre libres, en ayant abandonné les chaînes de notre ancien esclavage ! Paul emploie d’ailleurs le mot « rédemption » (Rm 3,24 ; 8,23 ; 1 Co 1,30 ; Col 1,14) ou le verbe « racheter » (1 Co 6,20 ; 7,23.30) pour dire que notre liberté a été chèrement payée par le Christ. On pouvait en effet affranchir les esclaves en payant le prix à leurs propriétaires. Le Christ nous « rachète », il nous « affranchit » de tous les esclavages. Il est notre « Rédempteur » (Ac 7,35), c’est-à-dire celui qui verse « la rançon » (cf. Mt 20,28 ; Mc 10,45).

Dans le passage de l’épître aux Galates, Paul souligne que le plus redoutable de tous nos esclavages ne relève pas d’abord d’un asservissement par un maître extérieur, mais de notre égoïsme : nous sommes des esclaves de nous-mêmes. Le Christ est venu nous libérer de chaînes qui sont en nous-mêmes. Parfois aussi, nous rendons les autres esclaves de nous-mêmes. Nous pouvons avoir des comportements esclavagistes les uns envers les autres. C’est de cela que Jésus est venu aussi nous libérer. C’est bien cela le péché : se détourner de Dieu et des autres pour ne rechercher que son propre intérêt, et cela très souvent aux dépens des autres. L’Évangile du Christ nous libère parce qu’il dénonce ces comportements égoïstes qui nous conduisent à ne penser qu’à nous-mêmes, qui nous isolent et nous étouffent.

La loi du Christ nous appelle à la liberté parce qu’elle nous demande de sortir de nous-mêmes et de nous tourner vers les autres. Jésus était un homme libre et cela le rendait attentif à tous ceux qui l’approchaient dans leurs détresses. Le principe qui a animé sa vie est tout simple : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » La pratique de ce commandement nous conduit à évangéliser notre logique de vie en choisissant librement de devenir « serviteurs » des autres. Passer de l’esclavage au service… comme Jésus qui a pris la place du Serviteur ! Par l’amour, écrit Paul, mettez-vous au service les uns des autres. Ce principe, qui a guidé la vie de Jésus, est le dynamisme de l’Amour de Dieu, et l’Esprit Saint nous le communique. Le chrétien, comme le Christ, est appelé à se laisser librement conduire par l’Esprit. Nous laissons-nous conduire ainsi ?

L’Esprit Saint est le dynamisme intérieur de notre liberté chrétienne. Il nous a été donné par Jésus pour que nous puissions vivre en hommes libres, comme lui : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13,34 et 15,12). Mais, pour vivre dans la liberté de Jésus, il y a des renoncements difficiles à faire : renoncer à soi-même, à son propre intérêt. Voilà bien là une insistance des mystiques rhénans. Maître Eckhart écrit dans les entretiens spirituels : « Notre Seigneur dit Bienheureux les pauvres en esprit (Mt 5,3), c’est-à-dire les pauvres en volonté. Que nul n’en doute : S’il y avait une meilleure manière, Notre Seigneur l’eût indiquée ! N’a-t-il pas dit, d’ailleurs : Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il se renonce d’abord lui-même (Mt 16,24 ; Mc 8,34). C’est à cela que tout se ramène. Observe-toi toi-même, et chaque fois que tu te trouves, laisse-toi ; il n’y a rien de mieux. »

Les images employées par Jésus dans l’évangile soulignent combien le chemin de liberté est fait de ces renoncements difficiles et sans retour : pas de vie chrétienne possible sans renoncements à soi ! Suivre Jésus ne demande pas seulement de laisser les filets comme l’ont fait Pierre et André, ou sa famille comme Jacques et Jean qui laissent leur père Zébédée, ou son emploi comme Lévi qui laisse sa table de collecteur d’impôts. Suivre Jésus demande de s’abandonner en lui. Il n’est pas possible de dire : « Seigneur, je te suivrai partout où tu iras » sans tout laisser, c’est-à-dire sans mettre au second plan tout le reste !

Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus est très exigeant. Il en va en effet de notre liberté ! Le Fils de l’homme n’a pas de lieu où reposer sa tête ! Cela veut dire que si tu décides de répondre à son appel et que tu le suives, tu n’auras pas de repos ni de sécurité ou de confort. Tu apprendras à vivre libre, c’est-à-dire sans attache aucune. C’est un choix qui n’est pas réversible. Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le Royaume… Celui qui devient chrétien le devient pour toujours. Chaque jour il doit se convertir pour sortir de ses comportements égoïstes et se mettre au service de ses frères jusqu’au bout (Jn 13,1). Saint Jean de la Croix résume cela par cette simple maxime : « L’âme qui veut que Dieu se livre tout à elle doit se livrer toute, sans rien laisser pour soi. »

Fr. Dominique CHARLES, o.p.

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