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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

22e Dimanche du temps ordinaire. Année A.

Imprimer Par François-Dominique Charles

« Soyez béni, Seigneur, parce que vous m’avez créée »

Pierre avait dit à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » À partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.
Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. »
Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera.
Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? Et quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie ?
Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite.

COMMENTAIRE

Les trois textes de ce dimanche insistent sur la relation toute particulière qui existe entre le croyant et son Seigneur. En cela, des personnages comme le prophète Jérémie et l’apôtre Pierre sont pour nous exemplaires. Ils nous font entrer dans le mystère d’une expérience de foi où s’approfondit avec le temps une relation intime, intérieure, qui n’épargne pas les difficultés, les obstacles et même les découragements qui caractérisent si bien nos existences humaines.

Jérémie exprime, dans des mots impressionnants, son lien avec Dieu qui l’a choisi comme prophète. Il a vécu au 7e siècle avant Jésus. Le texte est donc vieux de 27 siècles ! Jérémie appelle les gens de son temps à la conversion alors que se profile la ruine de Jérusalem. Les Babyloniens font le siège de la ville, et personne n’écoute les appels de Jérémie. On ne veut rien entendre. Il dérange ! On tentera même de le faire taire en le jetant au fond d’une citerne. Il est épuisé. Il en a marre. Il veut s’arrêter de parler. Mais voici qu’il ressent que la Parole de Dieu lui brûle les entrailles et qu’elle est plus forte que lui. Impossible de se taire ! Le prophète vit un corps à corps douloureux avec la parole de son Dieu au milieu du peuple qui reste sourd à son message. Ce Dieu qui l’a séduit est plus fort que lui ; le prophète ressent dans ses entrailles cette Présence divine comme un feu dévorant qui brûle dans l’intimité de son être ! Le croyant est celui qui ressent en lui cette mystérieuse mais très réelle Présence de Dieu. Même s’il résiste, cette Présence le brûle et le conduit.

Nous sommes parfois découragés parce que le monde qui nous entoure ne s’améliore pas et semble se détourner de Dieu. C’est vrai qu’il y a de quoi se décourager ! Comme Jérémie, Dieu nous invite à renouveler notre confiance en sa Présence que nous ressentons en nous et qui nous appelle à ne pas nous décourager et à reprendre la route avec Dieu, au milieu des difficultés et des drames. Le Seigneur est avec son ami Jérémie au milieu du danger comme il le lui a promis (Jr 1,8). Il est toujours avec ses amis quand ils sont dans les difficultés. Sa Parole brûle au-dedans de tous ceux qu’il a saisis et séduits. Dieu est plus fort que nos hésitations, nos fatigues, nos refus…

Saint Paul, quant à lui, nous invite à offrir nos personnes et notre vie au Seigneur. Voilà, dit-il, l’adoration véritable. Il n’y a pas de vie chrétienne sans don, sans « offrande » de soi et de sa vie. Comme le dit Paul, c’est cela qui plaît vraiment à Dieu, c’est cela qui est parfait. L’apôtre insiste ici sur cette relation toute spéciale qui existe entre Dieu et ses amis. Les saints de tous les temps ont désiré plaire à Dieu en cherchant à faire sa volonté, à répondre à son attente. Apprenons, nous aussi, à offrir ce que nous sommes, même si nous avons l’impression d’être inutile. Et si nous nous sentons malade ou très vieux, sachons qu’on est toujours utile en offrant sa vie et en accueillant la Présence du Seigneur dans son être épuisé et sans force, malade ou très âgé. Il est des personnes très malades dont la vie devient prière et offrande dans une étonnante confiance et parfois dans de grandes souffrances. C’est un grand témoignage pour ceux qui ont la chance de les approcher.

Dans l’Évangile, alors qu’il vient de confesser sa foi en Jésus (évangile de dimanche dernier), Pierre refuse le chemin de la passion annoncé par Jésus qui lui dit : « Passe derrière moi, Satan. » Jésus semble lui dire : « Ne sois pas un obstacle sur ma route ! » La vie de foi n’est pas si facile. C’est une manière de vivre dans le sillage de Jésus, en le suivant sur le chemin de la confiance en Dieu : son chemin est une offrande de toute sa personne à son Père. Et nous ressemblons souvent à Pierre. Bien sûr, nous croyons en Jésus, nous connaissons notre credo et nous le récitons par cœur. Mais notre manière de vivre fait obstacle à la dynamique pascale de l’évangile. Satan est précisément celui qui s’oppose aux projets de Dieu, qui va contre Dieu. C’est bien pour cela que Jésus traite Pierre de « Satan ». Celui qui est venu pour vaincre Satan saura bien vaincre les résistances de Pierre. Ou bien nous suivons Jésus, nous marchons derrière lui, à sa suite, dans sa route pascale qui passe par la croix pour ressusciter avec lui, ou bien nous allons à l’opposé de Jésus et nous nous éloignons de Dieu…

Pour marcher derrière Jésus, il n’y a pas d’autre moyen que de renoncer à soi-même, c’est-à-dire à tous nos chemins d’égoïsme et de péché. Marcher avec Jésus, porter avec lui notre croix, ne serait-ce pas accepter de tout vivre avec lui, même nos heures sombres? Nous savons bien, parce que Jésus le répète mille fois dans les évangiles, que celui qui veut sauver sa vie la perd forcément un jour. Mais celui qui perd sa vie avec Jésus, celui qui fait l’offrande de sa vie à Dieu, celui qui laisse la Parole de Dieu le brûler dans ses entrailles et l’entraîner vers Dieu, celui-là obtiendra la vie comme un don de Dieu. Quelle que soit l’étape où nous en sommes, que le Seigneur nous donne assez de force pour lui offrir nos vies et pour le suivre vraiment dans la foi et l’espérance, jusqu’au bout. Qu’il nous aide à reprendre chaque jour cette prière du Psaume (Ps 30,6 ou 31,6 dans les Bibles) qu’il fit sur la croix : « en tes mains, Seigneur, je remets mon esprit ! » (Lc 23,56) et que le premier martyr a reprise au moment de sa lapidation (Ac 7,59).

Le 11 août dernier, nous avons fait mémoire de sainte Claire d’Assise, décédée en 1253. Nous pouvons aussi reprendre les mots de confiance et d’offrande qu’elle prononça avant de mourir : « Pars en paix, ô mon âme, car tu as un bon guide pour la route. Celui qui t’a créée t’a aussi sanctifiée ; il t’a aimée et n’a cessé de veiller sur toi avec toute la tendresse d’une mère pour son fils. Soyez béni, Seigneur, parce que vous m’avez créée. »

Frère François-Dominique CHARLES, o.p.

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