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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

4e Dimanche du temps ordinaire. Année.

Imprimer Par François-Dominique Charles

La sainteté ne se conquiert pas, elle se reçoit de Dieu

Quand Jésus vit la foule, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire.
Il disait : « Heureux les pauvres de coeur : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !
« Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés ! Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde ! Heureux les coeurs purs : ils verront Dieu !
« Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu ! Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ! Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! »

COMMENTAIRE

L’évangile des Béatitudes est un des passages évangéliques parmi les plus connus. Pourtant, il semble totalement à contre courant des valeurs communes du monde. Le Seigneur veut un « peuple petit et pauvre » (Sophonie) alors que tout le monde rêve de puissance et de richesse, un peuple qui n’aura pas d’autre refuge que son Seigneur, alors que nos sociétés occidentales ne cessent de nous inviter à assurer notre avenir avec des systèmes de retraite et d’assurance-vie et que beaucoup sont tentés de chercher refuge chez tous les prometteurs de bonheur, les charlatans, les sorciers en Afrique, et toutes sortes de faux dieux. A Corinthe, le Seigneur a choisi pour constituer son Église des gens de très petite condition, des gens faibles, modestes et méprisés et non des sages, des forts, des V.I.P. L’Église serait-elle donc destinée aux tout petits seulement ? Et la plupart des chrétiens ne feraient-ils pas fausse route puisque Jésus proclame « bienheureux » les pauvres, les doux, ceux qui pleurent, les affamés de justice, les miséricordieux, les cœurs purs, les artisans de paix… ?

Il est vrai que Jésus lui-même n’a pas fréquenté les palais des puissants de son temps, sauf celui de Pilate… le jour de son procès et de sa mort. Il est né dans la pauvreté d’une étable… Il n’a pas recherché à être riche et puissant ni à être admiré pour sa sagesse. Il s’est fait serviteur : « Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir et donner ma vie en rançon pour la multitude » (Mt 20,28). Comme Paul l’écrit juste avant le passage de la première épître aux Corinthiens de ce dimanche : « nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens » (1Co 1,23).

L’Évangile de Jésus vient bel et bien contester toutes nos logiques humaines qui sont, hélas, trop fondées sur l’intérêt personnel et la quête de pouvoir. La grande tentation de chacun est de ne s’intéresser qu’à lui-même et de le faire en oubliant les autres. Qui ne rêve d’avoir un emploi socialement considéré et bien rémunéré ? Qui ne désire une bonne place au soleil ? Un jour, un enfant à qui je demandais ce qu’il voulait faire quand il serait grand m’a surpris par sa réponse : « je serai pape ! » D’autres veulent devenir ministre ou président. Même en Afrique, comme l’ont écrit les évêques du Tchad dans un message de Noël en 2007, « Chacun ne cherche qu’à préserver son intérêt personnel. »

Or la logique libératrice de l’Évangile est tout autre. Le Christ vient nous apprendre, en effet, que la vraie sagesse consiste à donner pour recevoir, à s’abaisser pour être élevé, à choisir la dernière place et non la première… Nous sommes bien là à l’opposé des logiques humaines : « Mes pensées ne sont pas vos pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins » dit le Seigneur dans le livre du prophète Isaïe (Is 55,8-9). Comme cela est bien vrai, car l’homme recherche toujours plus ou moins clairement sa propre gloire, l’admiration, le pouvoir. Examinons nos propres comportements et nous découvrirons que nous préférons nous servir et être servi plutôt que de nous mettre au service des autres. « Celui qui veut s’enorgueillir, écrit Paul, qu’il mette son orgueil dans le Seigneur. »

Avec l’Évangile, il s’agit, en quelque sorte, de jouer à qui perd gagne ! Car le Seigneur se penche sur les humbles Ce sont les pauvres, les humbles et les doux qui reçoivent la gloire ; les superbes sont dispersés et les puissants renversés… (cf. Magnificat de Marie : Lc 1,52) : « le Seigneur s’est penché sur son humble servante, désormais tous les âges me diront bienheureuse ! » (Lc 1,48). Ce que les béatitudes nous apprennent, c’est que Dieu seul couronne de gloire ceux en qui il trouve un cœur humble et pauvre, doux et juste, miséricordieux et pacifique. C’est Dieu seul qui est source de gloire dans la vie des saints. Le Seigneur recherche, écrit Sophonie, ceux qui sont humbles et justes parce qu’ils n’ont pas d’autre refuge dans leurs difficultés que lui seul !

Le grand texte des Béatitudes constitue l’ouverture du premier grand discours de Jésus dans l’évangile de saint Matthieu (Mt 5 à 7) : on l’appelle volontiers « le Sermon sur la montagne » en raison de l’introduction qui précise que « Jésus gravit la montagne » avant de s’asseoir pour enseigner (Mt 5,1). Durant les prochains dimanches, nous ferons une lecture suivie de ce grand texte où Jésus nous apprend à vivre comme lui. La plupart des Béatitudes emploient des verbes qui sont conjugués au passif pour bien souligner que c’est Dieu qui agit dans la vie de ceux qui lui font confiance ; c’est une tournure littéraire toute sémitique : les affligés seront consolés, les affamés seront rassasiés, il sera fait miséricorde aux miséricordieux, les pacifiques seront appelés fils de Dieu. Cela sous-entend que c’est Dieu qui console, Dieu qui rassasie, Dieu qui fait miséricorde, Dieu qui donne le nom de « fils de Dieu ». Les Béatitudes nous apprennent que tous les dons essentiels viennent de Dieu. Le croyant vit en s’appuyant sur Dieu seul et sur sa Providence. Il laisse Dieu agir en lui, il se laisse faire et conduire en toute confiance.

Le chemin du chrétien consiste ainsi à imiter celui de Jésus, pauvre de cœur, doux et humble, affligé et persécuté dans sa passion, affamé et assoiffé de justice et de paix, miséricordieux, pur de cœur, serviteur de tous. Il est le Royaume de ceux qui le suivent. Il est la « porte étroite », il est « le chemin », il est « la grande récompense promise dans les cieux ». Puissions-nous convertir vraiment nos aspirations toujours trop égoïstes et trop humaines et désirer emprunter le difficile chemin de Jésus qui ne peut se comprendre qu’à la lumière de son amour immense : « il s’est abaissé jusqu’à la mort de la croix… C’est pourquoi Dieu l’a élevé… » (Ph 2,8-9). Rappelons-nous en méditant le beau texte des Béatitudes que toutes les situations de nos vies, même les plus douloureuses, sont des occasions de nous en remettre à la grâce de Dieu qui agit en nous pour consoler, pardonner, pacifier dans le secret du cœur. La sainteté ne se conquiert pas, elle se reçoit gracieusement de Dieu.

Frère François-Dominique CHARLES, o.p.

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