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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

24e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par Daniel Cadrin

Un long chemin déroutant

Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : « Pour les gens, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. »
Il les interrogeait de nouveau : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prend la parole et répond : « Tu es le Messie. » Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne.
Et, pour la première fois, il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cela ouvertement.
Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera.

COMMENTAIRE

Un long chemin déroutant

En Marc, les disciples ont accompagné Jésus sur les routes, dans les maisons et sur les places. Ils l’ont vu accomplir des signes surprenants qui relevaient les gens écrasés, qui rendaient vie aux délaissés, qui redonnaient dignité aux déconsidérés. Ils ont entendu sa parole, qui étonnait et détonnait, qui ouvrait des horizons neufs. Ils ont écouté ses paraboles parfois énigmatiques, qui parlaient de leur univers mais pour les inviter à voir autrement. Souvent, ils n’on rien saisi, ils sont restés fermés sur leur petit monde ou ils ont carrément bloqué, comme s’ils étaient bouchés.

Pendant huit chapitres, Marc les a montrés dans leurs élans et leurs reculs, leur volonté de suivre Jésus et leur difficulté à avancer. « Vous ne comprenez pas? Avez-vous le coeur endurci? Vous avez des yeux et ne voyez pas… » C’est ce que Jésus leur a dit (8, 14-21) peu de temps avant de les interroger en chemin. Et voici que finalement, au beau milieu de l’évangile, les disciples débouchent, leurs yeux s’ouvrent peu à peu comme cet aveugle que Jésus a guéri juste avant la réponse de Pierre à la question de Jésus : pour vous, qui suis-je? Pierre, au nom des disciples, en notre nom, affirme avec clarté sa foi en Jésus : tu es le Messie. Non seulement un grand prophète, comme Élie et Jean Baptiste, mais vraiment le Christ.

Des disciples en marche : leur cheminement ressemble étrangement aux nôtres, entre enthousiasme et hésitation, entre fermeture et ouverture du cœur et de l’esprit. Il a fallu huit chapitres, tant de rencontres et de gestes, de questionnements et d’échanges, de confusions et d’éclaircies, pour arriver à saisir qui est cet homme de Nazareth, tellement déroutant. Si les disciples, tout proches de Jésus, ont eu besoin de tant de temps et de chemin pour voir plus clair, il n’est pas étonnant que nous-mêmes aussi marchions souvent en tâtonnant. Et ce qui est encourageant pour nous, c’est que leur cheminement a finalement abouti.

Mais le chemin est long. Voici que ce qui semblait une arrivée se transforme en une étape, importante certes, mais qui mène à une autre ouverture à vivre, une deuxième étape plus exigeante et engageante. Et voilà que tout le processus reprend. Oui, Jésus est le Messie, mais pas n’importe quel Messie. Son chemin sera celui de la croix, du risque et du don de sa vie. Pierre en est choqué, à nouveau il ne comprend pas, il ne voit pas. Il se permet même de faire la leçon à Jésus, de lui passer un savon. La réaction de Jésus est claire et forte : il traite son ami Pierre d’adversaire. Le disciple devient un obstacle sur le chemin de Jésus.

Encore là, nous pouvons nous reconnaître en Pierre, qui ne cache pas son incompréhension et sa résistance. Il l’exprime vivement, ce qui permet aux lecteurs, nous inclus, de prendre conscience que le mystère de Jésus nous échappe, au moment même où l’on croyait avoir tout saisi. Nous sommes appelés à sortir de notre aveuglement, à nous déboucher les oreilles, et à regarder autrement l’homme de Nazareth, si déconcertant.

Suivre Jésus, c’est s’engager sur une route risquée et être prêt à perdre sa vie. C’est ce qu’évoque l’expression « prendre sa croix ». Il ne s’agit pas ici d’une attitude doloriste ou fataliste face aux difficultés et souffrances, mais d’oser prendre des risques et tout donner. Jésus va suivre ce chemin jusqu’au bout. Le suivre, c’est marcher sur ce même chemin. Mais cela n’est pas évident, pour ses disciples d’hier et d’aujourd’hui. Dans les chapitres suivants, Jésus travaillera de plus près avec ses proches pour les éclairer, pour les inviter à approfondir de l’intérieur le sens de ses options. Le tout aboutira à la guérison d’un autre aveugle, Bartimée (10, 46-52), qui suivra Jésus sur le chemin, celui qui mène au mystère pascal.

Des disciples qui ont à traverser plusieurs étapes, qui doivent ré-ouvrir un dossier qui semblait réglé, qui avancent en tâtonnant dans la générosité et la confusion, entre fermeture et ouverture. C’est avec ces disciples que Jésus a marché, c’est à ces personnes fragiles et souvent déboussolées qu’il a confié son évangile. Cela est très encourageant.

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