Au tout début du mois d’août, un de mes nièces a donné naissance à une fille: toute menue, de beaux grands yeux, une chevelure d’ébène abondante. Ce véritable petit trésor s’appelle Ange-Aimée. Nous l’aimons. Ses parents l’adorent. Ses grands-parents, ses oncles et ses tantes n’ont de pensée que pour elle. Dès sa naissance, nous nous sommes attachés à cette enfant. Dès sa naissance, Ange-Aimée a été accueillie à part entière dans le coeur de chaque membre de la famille.
Cependant cette belle Ange-Aimée est arrivée avec une maladie très rare. Bien plus, il s’agit d’une maladie dégénérative. La petite est décédée quelques semaines après sa naissance. Et c’est pour nous un drame pénible à supporter. L’amour que nous avons pour Ange-Aimée fait en sorte que la souffrance est bien présente dans notre vie. Et nous supportons mal la rupture que nous devons à vivre.
Nous vivons quelque chose qui ressemble à la séduction qu’a subie le prophète Jérémie. Le prophète reconnaissait: « Il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être» (Jérémie 20, 9). Et pourtant, ce feu qui habitait Jérémie le faisait souffrir. Sa foi l’amenait à s’opposer à ses compatriotes et à subir leurs réactions violentes.
Après Jérémie, Jésus lui-même a connu l’épreuve dans son amour pour Dieu. L’événement au sommet de notre foi comme au sommet de sa présence au milieu de nous es fait de souffrance et de mort.
Au fil des jours de notre histoire personnelle, Dieu nous apprend que la souffrance fait partie de notre existence. Elle est incontournable. Elle n’est pas un accident de parcours. Elle ponctue les étapes de notre croissance. Notre maturité dépend en grande partie des crises que nous traversons, et que nous traversons souvent péniblement.
Le salut que nous Dieu nous accorde n’est pas le bonheur. Dieu nous sauve en nous donnant l’amour. Dieu nous aime et son amour à notre endroit est plus grand et plus important que les bonheurs les plus exaltants. Même si l’amour est souvent blessé, même si l’amour n’arrive pas à échapper à la souffrance. Georges Brassens chantait: « Il n’y a pas d’amour heureux». Et il appelait son grand amour: «ma déchirure».
Notre vie prend parfois la forme de la croix. En accueillant la sienne, Jésus a choisi d’aimer et de se laisser aimer par Dieu. Il a jeté sa confiance en son Père qui pouvait l’entraîner au-delà de tout malheur. Ce n’est pas le bonheur qui l’a ressuscité, c’est l’amour. Jésus a choisi de donner sa vie par amour. Les gens malheureux ne traversent leur malheur que soutenus par l’amour.
Ange-Aimée nous quitte, mais elle nous laisse l’amour qu’elle a suscité en nous. Si menue soit-elle, si peu longtemps parmi nous qu’elle fût, sa présence a changé quelque chose dans le monde tourmenté où nous vivons. Une petite portion de l’humanité s’est attachée à un enfant et le passage de cette enfant a fait en sorte qu’il y a plus d’amour sur cette terre.