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École de la prière,

Responsable de la chronique : Christine Husson, l.o.p.
École de la prière

Heures bénédictines

Imprimer Par Bernadette-Marie Roy, O.S.B.

Bientôt cinq heures. À l’appel joyeux du carillon, de tous côtés on se hâte. La plus jeune rentre du jardin en courant. À la salle de piano, les chantres repassent l’antienne à Magnificat et quelques vocalises… Car il n’en faut pas moins pour chanter pour le Seigneur que pour bien chanter ailleurs ! Dans les ateliers, on enlève son tablier. Encore quelques instants, et en silence, tout le long du cloître, vis-à-vis deux par deux, les moniales se prépareront à l’entrée conventuelle de Vêpres. Est-ce fête ? Grande fête ? Sur le banc de l’orgue, l’organiste retient son souffle, prête à attaquer dès que paraîtront Mère Abbesse et la communauté. Bach en grands jeux fera retentir le souffle de Pentecôte ; quelque pièce fraîche et sautillante donnera aux bergers l’occasion de jouer leurs Noëls. Et commence l’office.

Dixit Dominus Domino meo… « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Siège à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds. » Y croyez-vous ? Y croyez-vous vraiment ? Oui, le Père a donné toute-puissance à son Fils, assis à sa droite en son humanité glorifiée. Vous y croyez ? Par la liturgie, aujourd’hui, l’Esprit Saint nous met en communion avec le Père et le Fils. La foi en leur mystère, avec l’espérance et la charité, est la plus grande force qui transforme le monde. Les voix des moniales font monter la louange. Oh ! vous n’êtes pas au concert ! Mais l’enthousiasme est là. Et aujourd’hui, c’est vraiment Noël, Pâques, Pentecôte. Ici, aujourd’hui, dans le mystère de grâce et de salut de la liturgie, toute la puissance de la prière de l’Église universelle est à l’œuvre.

APPRENTIES EN LOUANGE

Selon la Règle de saint Benoit, sept fois par jour et une fois la nuit (en soirée), les quarante-cinq moniales de l’Abbaye Sainte-Marie des Deux-Montagnes offrent au Seigneur le don de la louange. L’insertion de chacune dans cette liturgie riche, variée (dix fois plus variée depuis Vatican II !), demande apprentissage et approfondissement. Les jeunes étudient le latin et le grégorien ; la cérémoniaire prépare avec soin le déroulement des offices. On ne ménage pas sa peine ! Et la Providence semble contente ; saint Joseph comble le budget… nous pouvons continuer la louange.

Nous croyons que la divine présence est partout… Cependant, c’est surtout quand nous assistons à l’office divin que nous devons le croire sans le moindre doute… Et quand nous nous tenons debout pour psalmodier, faisons en sorte que notre esprit concorde avec notre voix.

Pour nous, la manière de célébrer est d’abord un héritage : celui de la congrégation de Solesmes, à laquelle l’Église a demandé de garder vivant le trésor du chant grégorien. Lorsque Dom Prosper Guéranger (+ 1875) restaura à Solesmes la vie monastique après la Révolution française, il donna à ses monastères une orientation contemplative, centrée sur la célébration liturgique du mystère du Christ. Tempérament spontané, rempli d’une espérance à toute épreuve, il sut communiquer à ses filles et fils spirituels le feu qui l’animait : une joie enthousiaste pour chanter l’amour et la beauté de Jésus, rencontré intimement dans la prière liturgique.

Les moines considéreront que l’Église emploie constamment le chant dans le service divin pour exprimer l’ardeur des sentiments que l’Esprit Saint produit en elle. Ils en concluront que la disposition avec laquelle ils doivent tendre à célébrer l’Office divin doit être une disposition d’enthousiasme pour les divins mystères.

« TANT VAUT L’ADORATEUR, TANT VAUT L’ADORATION… »

L’intelligence doit être préparée à la prière. Saint Benoit prévoit un temps quotidien de Lectio divina, d’étude des choses de Dieu. Nombreuses ont été les sessions, bibliques ou autres ; selon l’usage, Mère Abbesse donne chaque semaine au moins une conférence spirituelle qui nous fait entrer dans l’esprit de la liturgie.

La préparation à la prière concerne surtout le cœur. Pour être bien vécue, la liturgie doit s’enraciner dans la prière personnelle : oraison, attention à la présence de Dieu… À chacune d’apporter cette qualité de silence nécessaire à l’authenticité de la prière conventuelle. Le secret ne serait-il pas celui des petits.

UN FEU À PARTAGER

Prière de l’Église, la prière des Heures n’est pas la propriété des moniales. Elle nous est confiée en vertu d’une délégation : nous prêtons nos voix à l’Église qui, elle, célèbre l’œuvre de Dieu en tant qu’épouse du Christ. La liturgie appartient à tous les baptisés ; aussi l’accueil tient-il une place importante chez saint Benoit. Des livrets sont mis à la disposition des hôtes pour leur permettre de suivre les offices. Depuis quelques années, enfants et adolescents bénéficient d’un accompagnement dans la participation aux offices. Pour étendre plus au loin l’amour de la louange, nous venons d’enregistrer un nouveau disque, Cantus angelicus.

Puisque les plus grands bonheurs d’une moniale sont vécus dans la communion intime avec Jésus lors de la prière, ce bonheur voudrait se communiquer et donner à tous la joie d’entrer dans le mystère de Celui qui nous habite, en commençant dès ici bas la louange éternelle de l’Alléluia. Tel est le don de l’Esprit, « un esprit qui fera naître en eux bonté et supplication » (Zacharie 12, 10) répandu sur l’Église en langues de feu, qui veut s’écrier en nos cœurs : Abba ! Papa ! Qui veut proclamer non seulement ce mot premier de toute prière, mais tous ceux que la liturgie met sur nos lèvres.

NOTES

La Règle de Saint Benoît, ch. 19, dans La Règle de saint Benoît, tome II, coll. « Sources chrétiennes », nº 182, Paris, Éd. du Cerf, 1972, p. 535.537.

Dom Prosper GUÉRANGER, Notions sur la vie religieuse et monastique, Paris, Mame, 1920, p. 20-21.

Sœur Bernadette-Marie ROY, moniale bénédictine à l’Abbaye Sainte-Marie des Deux-Montagnes, Sainte-Marthe-sur-le-Lac, Québec, y exerce, entre autres, la fonction de chantre.

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