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Quand il faut guérir l’amour

Imprimer Par Denis Gagnon

L’amour a plusieurs visages. Trop riche pour se confiner à quelques traits, vous le croisez dans des yeux bleus, des yeux bruns, des yeux verts. Il vous apparaît le menton pointu, la bouche en cœur, le nez fin. Regardez partout, si vous le cherchez. Ne vous confinez pas à la photo qui vous le représente. Il est peut-être là tout à côté sous une autre chevelure.

Il prend la forme d’une amitié entre deux enfants qui jouent au ballon en rêvant de devenir ensemble des champions. Sur le banc du parc, pas très loin, il vous fascinera dans les yeux d’une maman qui contemple son petit. Au coin de la rue, vous le remarquerez dans les corps fatigués d’un vieux monsieur et d’une vieille dame qui tremblent, aussi fragiles qu’un château de cartes.

Vous le verrez partout. Vous l’entendrez sur toutes les musiques. Il aura le rire franc du jeune homme qui vient de recevoir sa première déclaration d’amour. Il aura le cœur serré de la veuve qui pleure ou de la mère au chevet de son adolescent blessé. Vous le trouverez, tranquille, comme deux amoureux qui ont vingt-cinq ans de confiance mutuelle.

Faites le tour du monde. Prenez les routes des belles amours. Scrutez toutes les chaumières de la terre. Engrangez tous les souvenirs d’alliances qu’il vous sera possible de garder. Au bout de votre voyage, vous n’aurez trouvé rien de plus beau que les amours réconciliées. Le pardon a le don de transfigurer les amoureux.

Mais attention! Le prix est élevé. On ne guérit pas les amours blessées comme on panse une égratignure. Les blessures du cœur sont souvent profondes. Le cœur ressemble à de la dentelle. Prière de manipuler délicatement, s’il vous plaît!

Alors, comment on fait pour cautériser la plaie d’un cœur offensé? Il faut avant tout que l’offense s’arrête. Le pardon peut difficilement faire son nid quand on est en plein travail de destruction. Donc, avant tout, la gifle, la parole dure, le geste malicieux, le regard haineux, arrêtez votre cirque!

Puis, en laissant au cœur tout le temps qu’il faudra, on reconnaîtra qu’il est arrivé un incident, quelque chose de sérieux. On ne badine pas avec la méchanceté. On la regarde en face comme un dompteur de lion plonge ses yeux dans les yeux de sa bête. Pas trop vite à l’étape suivante. Il faut parfois beaucoup de temps pour arriver à admettre le mauvais geste, la parole tranchante.

Il faut du temps aussi pour reconnaître la souffrance que cette malheureuse affaire a provoquée. Une blessure, les médecins vous le diront, doit être examinée attentivement. On ne fait pas de diagnostic à la sauvette quand il s’agit d’une fracture du cœur. Évaluer la blessure, juste la blessure, sans la minimiser, sans la majorer. Reconnaître sa vulnérabilité personnelle. Il faut parfois s’attendre longtemps. La souffrance demande toujours beaucoup de patience à celui ou celle qui a mal.

Il faut aussi du temps pour que l’auteur de la blessure signe son geste. Reconnaître ses torts n’est pas facile. Il faut une bonne dose d’humilité. Et l’humilité n’est jamais pressée de se montrer le bout du nez. La fierté ne tolère pas les accusations surtout quand il faut s’accuser soi-même.

Le plus difficile cependant vient au bout de la route : quand il faut reconnaître que le gaffeur ne pourra payer, que la victime ne pourra pas être dédommagée. Le cœur ne peut compter sur la justice. Le cœur ne sait pas fonctionner en termes de condamnation et de punition.

Le cœur ne guérit que par l’amour. Il reste blessé, et on ne peut vivre avec sa blessure qu’en aimant. Comme on ne peut vivre avec le souvenir d’un geste bête qu’en aimant. S’aimer au-delà de ce qui est arrivé. Retrouver la confiance et souvent en doubler la densité.

Long voyage, périlleux, ardu. Purificateur. Il faut s’aimer beaucoup pour se pardonner en toute vérité. Il faut se pardonner profondément pour s’aimer longtemps, pour s’aimer toujours. Et donner aux autres le goût d’un bonheur d’amoureux…

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