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Durer ou s’endurer?

Imprimer Par Sophie Tremblay

Quand on compare les couples d’aujourd’hui aux couples d’il y a cinquante ans, on ne peut manquer d’être frappé par la fragilité des unions actuelles. En effet, plus de la moitié des mariages et des unions libres se terminent par une séparation ou un divorce. Voilà un drame, une grande souffrance, mais on ose rarement évoquer de front une question aussi sensible, de peur de se voir considéré comme une personne rétrograde ou intolérante.

Pourtant, il ne suffirait pas de reproduire les modèles conjugaux de nos grands-parents pour accroître la stabilité des unions. À cette époque, l’encadrement social du mariage forçait la quasi totalité des couples à demeurer ensemble, même dans le cas des unions malheureuses. Beaucoup d’hommes et de femmes demeuraient ensemble uniquement en raison de la pression sociale et d’un sentiment d’obligation morale. Combien de couples se sont ainsi «endurés» pendant quarante ou cinquante ans. En regardant vivre certains couples d’aujourd’hui, on a aussi parfois l’impression qu’ils «s’endurent», mais pour d’autres raisons : les habitudes communes, les avantages matériels, la participation à des réseaux sociaux, etc. Mais durer ensemble, est-ce donc forcément en venir à se contenter de s’endurer mutuellement? Pour quelles raisons peut-on choisir librement de vivre une histoire conjugale au long cours?

Peu importe l’angle sous lequel on aborde la question, la durée constitue une mise à l’épreuve pour les personnes qui vivent à deux. La passion amoureuse s’émousse avec le temps. La vie à deux coupe court à l’idéalisation des débuts Avec le temps, chaque défaut et chaque limite des conjoints finissent par se révéler au grand jour, sans complaisance. On vieillit, on change, on traverse des épreuves, des périodes de crise ou de remises en question. Ceux qui ont des enfants font passer au second plan leurs projets en tête-à-tête pour plusieurs années. C’est pourquoi certains protestent qu’il faudrait s’opposer au travail du temps pour tenter de conserver la relation dans son état premier.

Pour ma part, je suis persuadée que l’épreuve de la durée est nécessaire pour apprendre à s’aimer «ni de mots ni de langue, mais en actes et en vérité» (1 Jn 3, 18). Toutefois, sans spiritualité conjugale, il semble plus difficile et parfois impossible de trouver un sens aux difficultés et aux épreuves, aux pertes et aux déceptions que l’existence nous réserve. Il faut un horizon plus grand que soi pour voir les difficultés rencontrées autrement que comme une impasse, pour cesser de confondre les moindres mouvements d’humeur avec le naufrage de la relation. Ne faut-il pas croire en un Amour infini et se recevoir de lui pour ne pas se désespérer de nos limites et de nos blessures?

Avec les années, les illusions s’en vont, et la légèreté de la jeunesse. Mais il faut durer ensemble pour que la beauté de l’autre se révèle en profondeur, pour que l’on puisse s’en émerveiller en portant un regard pourtant lucide sur elle ou sur lui. Il faut durer ensemble pour être témoin de l’amour unique que Dieu porte à cette personne à qui il donne la vie et qu’il me confie chaque jour. Il faut durer ensemble pour devenir réellement humbles, délicats et patients l’un envers l’autre. Il faut traverser des années pour réaliser sa propre pauvreté. Pour deviner l’autre sans le ramener à soi. Pour recevoir l’autre avec reconnaissance sans jamais le ou la prendre pour acquis. Ne faut-il pas toute une vie pour apprendre à s’aimer?

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