Spiritualité 2000 met à votre disposition 22 années d’archives, soit près de cinq mille articles. Un grand merci à tous nos artisans qui ont su rendre possible cette aventure ayant rejoint des millions d’internautes.

Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

29e Dimanche du temps ordinaire. Année A.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

Laïcité

Alors les pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode : « Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ; tu ne te laisses influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens. Donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à l’empereur ? » Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : « Hypocrites ! Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ? Montrez-moi la monnaie de l’impôt. » Ils lui présentèrent une pièce d’argent. Il leur dit : « Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? —De l’empereur César », répondirent-ils. Alors il leur dit : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Commentaire :

« La Pharisiens », un groupe responsable de la loi. Leur rigueur morale les séparait du reste de la population. D’où leur nom de Pharisiens, les « séparés ». Ils se recrutaient dans les humbles couches de la société et avaient l’écoute des gens de leur condition. L’apôtre Paul était un pharisien, et Jésus comptait lui-même de bons amis parmi eux malgré l’hostilité dont il était l’objet de leur part. Son enseignement sur la pratique de la loi l’avait rendu hostile à plusieurs d’entre eux ainsi que son attitude à l’égard des pécheurs. Désireux de s’en défaire, les Pharisiens fomentent donc un complot contre Jésus et gagnent la sympathie des Hérodiens, partisans favorables aux Romains. Ils délèguent alors quelques uns des leurs auprès de Jésus pour le mettre à l’épreuve et le prendre au piège. Posée par des gens de sa condition, la question insidieuse, même si elle faisait problème pour plusieurs, risquait de passer pour anodine aux oreilles de Jésus: « Est-il permis de payer le l’impôt à l’empereur ? » En d’autres termes : « La loi s’oppose-t-elle à toute forme de soumission à l’occupant ? » Le débat état d’envergure même au plan religieux. Les auteurs de la question pensaient prendre Jésus en faute ou l’enfermer dans un dilemme. S’il répondait « Oui », il signifiait une certaine complaisance à l’égard des Publicains au service des Romains ; si sa réponse était « Non », les partisans d’Hérode allaient le dénoncer comme rebelle au pouvoir établi. Avec sagesse, Jésus contourna habilement la difficulté. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qu est à Dieu ». Jésus renvoie ainsi dos à dos Pharisiens et Hérodiens.

Pour obtenir une condamnation de Pilate, il fallait aux Pharisiens une accusation d’ordre politique. Ils commencent par faire à Jésus des compliments flatteurs. Ils le félicitent de dire ce qu’il pense et de ne pas se laisser influencer par l’entourage. Jésus déjoue leur complot et affirme deux niveaux de réalité : le politique et le religieux. sans pour autant affirmer leur séparation. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».

Quel peut être le sens de cet énoncé ? D’aucun y voit une totale autonomie du pouvoir politique, responsable de ses propres lois indépendamment de Dieu et de l’évangile. On confine alors au domaine strictement privé tout ce qui est d’ordre religieux. La foi et son expression dans la pratique constituent un secteur de leur vie qui englobe tout. On fait ses devoirs religieux, qu’importe le reste, tout est normal.

Ne faut-il pas au contraire tout référer à Dieu ? L’apôtre Pierre enseignait à ses premiers chrétiens : « Soyez soumis à cause du Seigneur à toute institution humaine : soit au roi, comme souverain, soit aux gouvernants, comme envoyés par lui… Car c’est la volonté de Dieu qu’en faisant le bien vous fermiez la bouche à l’ignorance des insensés. Agissez en hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leur malice, mais en serviteurs de Dieu.» ( 1 Pi.2) Les devoirs envers Dieu s’imposent à tous, partout et toujours. Les devoirs envers César doivent être accomplis à cause du Seigneur parce que telle est la volonté de Dieu. Saint Paul tenait un même discours : « L’autorité est au service de Dieu pour t’inciter au bien. Ce n’est pas en vain qu’elle porte le glaive. C’est pourquoi il est nécessaire de se soumettre par motif de conscience : c’est la raison pour laquelle vous payez vos impôts » (Rom. 13 :1-7) Il importe donc d’acquitter sans réticence ses devoirs avec César, mais rendre à Dieu ce qui est à Dieu. Il n’y a rien en dehors de Dieu. Rappelons-nous le service que Yahvé demanda au roi païen Cyrus pour accomplir son dessein de libérer de son peuple (Is.44 et 45) .

L’autorité civile a comme objectif les moyens efficaces pour assurer le bien de tous. Certes, il lui arrivera pour ce faire de voter des lois imparfaites, cela constituerait un moindre mal. Le roi saint Louis a légiféré sur la prostitution. Autrefois, l’Église exerçait un réel pouvoir politique, au Moyen-âge, les clercs étaient souvent les seuls capables de gérer les affaires publiques. Le pouvoir politique représentait alors le « bras séculier « de l’Église.

Le chrétien, tout religieux d’esprit et de coeur qu’il soit, doit demeurer un citoyen actif, il a le droit et le devoir à la lumière de sa foi d’avoir, d’exposer et de défendre ses opinions sur les problèmes civiques, moraux ou sociaux que posent dans la société. Encore doit-il avoir des opinions sur les problèmes du jour. « Tout chrétien doit se sentir concerné par la politique. Chaque fois qu’il le peut, il doit se montrer citoyen actif et ne doit jamais minimiser les résultats de son action ». (Assemblée de évêque de France 1972).

En somme, Maître du monde, Dieu délègue ses pouvoirs aux autorités de la terre à condition que celles-ci respectent les droits prioritaires de Dieu. On ne peut donc défendre une séparation absolue entre l’Église et l’État et rêver de laïcité. Telle n’était pas la pensée de Jésus quand il enseigne « Rendez à César …» Le pape et les évêques n’usurpent rien quand ils rappellent aux responsables des nations leurs devoirs envers tout ce qui est humain et bataillent contre une « civilisation de mort ».

Le terme laïcité ne constitue donc pas un piège ou un déchéance à proprement parler. Au contraire, il interpelle tout chrétien dans sa vie de foi concernant les réalités laïques.

Parole et vie

Les autres thèmes