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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

25e Dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre

Urgence contemporaine

Jésus disait encore à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé parce qu’il gaspillait ses biens. Il le convoqua et lui dit : ‘Qu’est-ce que j’entends dire de toi ? Rends-moi compte de ta gestion, car désormais tu ne pourras plus gérer mes affaires.’ Le gérant pensa : ‘Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gérance ? Travailler la terre ? Je n’ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte. Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, je trouve des gens pour m’accueillir.’ Il fit alors venir un par un ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : ‘Combien dois-tu à mon maître ? – Cent barils d’huile.’ Le gérant lui dit : ‘Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante. Puis il demanda à un autre : ‘Et toi, combien dois-tu ? – Cent sacs de blé.’ Le gérant lui dit : ‘Voici ton reçu, écris quatre-vingts.’ Ce gérant trompeur, le maître fit son éloge : effectivement, il s’était montré habile, car les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent trompeur, afin que, le jour où il ne sera plus là, des amis vous accueillent dans les demeures éternelles. Celui qui est digne de confiance dans une toute petite affaire est digne de confiance aussi dans une grande ; celui qui est trompeur dans une petite affaire est trompeur aussi dans une grande. Si vous n’avez pas été dignes de confiance avec l’argent trompeur, qui vous confiera le bien véritable ? Et si vous n’avez pas été dignes de confiance pour des biens étrangers, le vôtre, qui vous le donnera ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il détestera le premier, et aimera le second ; ou bien il s’attachera au premier, et méprisera le second. Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’Argent. »

Commentaire :

Quelle que scandaleux que nous paraisse l’incident rapporté ici par Luc, l’affaire est d’importance puisque l’évangéliste en profite pour servir à son auditoire quatre applications à la vie économique : la prudence dans les affaires de ce temps, la générosité avec les biens que Dieu nous donne, se montrer digne de confiance et enfin choisir entre Dieu et Mammon.

Nous sommes ici en présence d’un intendant dont la conduite est incontestablement celle d’un escroc sans scrupule. Nous sommes toutefois loin du débiteur impitoyable (Mt. 18 :23-35 ). Ici, le personnage en question cherche un moyen qui lui permettra de trouver des gens pour le recevoir, car il appréhende bien son renvoi pour mauvaise conduite des affaires. Ces débiteurs pourraient alors devenir ses complices : l’opération ne laissera aucune trace dans les documents et ils ont tout intérêt à ce que le créancier ne parle pas. Ils seront tenus en quelque sorte par la menace d’un chantage possible. Ne cherchons point à blanchir l’homme d’affaire mal avisé, prenons-le tel qu’il est et puisse-t-il servir à notre édification si possible, ce que d’ailleurs Jésus va faire.

Que dire de cette page d’évangile ? Produit de l’imagination de Jésus ou fait divers qui défraie le chronique du temps et dont Jésus saura tirer des leçons ? Pourquoi ne pas privilégier cette dernière hypothèse : pour prêcher la Bonne Nouvelle, il importe de tenir l’évangile d’une main et le journal de l’autre, enseignait le père Sertillanges o.p.
Alors quelles leçons tirer de l’incident ? Nous lisons dans le texte que « le maître fit l’éloge de son gérant trompeur » : plus que son manque de savoir faire, il retient davantage son adresse, sa sagesse et son habileté. Il demeure que cet éloge se comprend mal dans la bouche du maître victime d’escroquerie. Précisons avant tout que l’intendant se retrouve dans une situation difficile bien qu’il n’ait commis aucune faute susceptible de renvoi. Il réfléchit sur son avenir et trouve une idée ingénieuse. Pris au piège dans une situation sans issue,. il trouve moyen d’en sortir dans les quelques heures dont il pouvait encore disposer. C’est assurément sur l importance du délai dont il faut savoir profiter que Jésus veut insister. Rappelons ici la parabole du figuier stérile (13 : 6-9) et les deux plaideurs (12 : 58-59). Le message de Jésus veut insister sur l’urgence de prendre position face à son invitation.

Une deuxième leçon servie par l’évangéliste à ses fidèles : « Eh bien ! moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec l’argent trompeur ». On retrouve ici la pensée de Luc précédemment exprimée (6 : 19-20) : « Vendez vos biens, donnez-le en aumône ; faites-vous des bourses qui ne s’useront pas, un trésor qui ne vous fera pas défaut dans les cieux ». La fortune malgré tous ses pièges peut devenir un moyen de devenir riche aux yeux de Dieu. Elle constituera un groupe d’amis capable d’accueillir là-haut leur bienfaiteur de la terre.

« Celui qui est digne de confiance dans une petite affaire…» Principe de sagesse élémentaire servi aux disciples sous forme de question. La pensée est la même dans les parabole des talents ( Mt. 25 : 21) et des mines (Lc. 19 : 17). Il ne peut s’agir ici de récompense terrestre pour quelque action honnête et sage, mais uniquement de récompense céleste. C’est la fidélité dont on aura fait preuve dans le domaine des biens matériels, sans valeur réelle pour le ciel, qui conditionnera le bien céleste que nous pourrions espérer, la fidélité dont on honore la confiance de celui dont a on a reçu un bien. Des biens nous sont providentiellement confiés, ils ne nous appartiennent pas en propre ; nous devons en faire profiter les pauvres en vue desquels Dieu les a mis à notre disposition.

Enfin, conclusion de son enseignement, Luc nous place en face d’une option : ou Dieu ou l’argent. Nul ne peut servir deux maîtres. Le service dont il peut être ici question engage la personne jusqu’au plus profond d’elle-même. La préférence pour l’argent entraînera une aliénation de la personne et presque un sacrilège contre Dieu. Les chrétiens qui disposent de l’argent l’ont reçu pour le partager avec ceux qui en manquent. C’est toute la spiritualité de l’Église de la Pentecôte qui est ici définie et décrite. Relisons certains passages des Actes (2 : 32 +). L’option préférentielle pour les pauvres (Jean XXIII et Paul VI, Vatican II) ressort ici avec un très grand relief. Nul ne possède sur l’avoir un droit absolu et ne peut l’idolâtrer. Entre Dieu et l’argent, aucun compromis possible

Le leçon de cette péricope n’est donc pas de juger moralement l’inconduite de l’intendant et de se reconnaître en quelque sorte pharisien de la parabole : « Mon Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes : voleurs, malhonnêtes, ou encore comme cet intendant. (18 :11) Cette page d’évangile constitue un appel à répondre sans tarder à l’invitation de la grâce divine. Plus tard, risquerait d’être trop tard. L’argent, toute forme d’avoir doit servir à aider les gens dans le besoin Faire des réserves, l’utiliser pour soi seul, c’est en priver les pauvres et mène tout droit à l’idolâtrie. Il y a « urgence » de décision.

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