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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

27e Dimanche du temps ordinaire. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Rupture

S’approchant de Jésus, pour le mettre à l’épreuve, des Pharisiens lui dirent : « Est-il permis à un mari de répudier sa femme ? » Jésus leur répondit : « Qu’est-ce que Moïse vous a prescrit ? » – « Moïse, dirent-ils, a permis de rédiger un acte de divorce et de répudier. » Alors Jésus leur répliqua : « C’est en raison de votre caractère intraitable qu’il a écrit pour vous cette prescription. Mais à l’origine de la création, Dieu les fit homme et femme. Ainsi donc l’homme quittera son père et sa mère, et les deux ne feront plus qu’une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien ! ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer. » Rentrés à la maison, les disciples l’interrogèrent de nouveau sur ce point. Et il leur dit : « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère à l’égard de la première ; et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère. »

Commentaire :

Rupture matrimoniale, débat public (2-9) et entretien privé (10-12), telle est la trame de cet enseignement du Seigneur entre la deuxième (9 : 30-32) et la troisième annonce de la Passion ( 10 : 32-34). Le tout concerne le divorce : sujet d’actualité s’il en est un.

Les Pharisiens tendent un piège à Jésus : est-il permis de divorcer ? Au Deutéronome (24 : 1), la nouvelle Loi prescrivait : « Lorsqu’un homme aura pris femme et l’aura épousée, s’il advient qu’elle ne trouve grâce à ses yeux parce qu’il a trouvé en elle quelque chose de choquant, il écrira pour elle une lettre de répudiation, la lui remettra en main et la renverra de sa maison ». Les uns considéraient ce passage du Deutéronome comme une permission ; Jésus, lui, le voit comme une loi d’exception mosaïque motivée par la dureté du cœur. Mais, derrière la protection de la femme que cette disposition de la Loi pouvait assurer, Jésus oppose la volonté divine qu’il appuie sur un texte de la Genèse : la création de l’homme et de la femme. « L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à une femme et le deux ne feront plus qu’une chair» (Ge.2 : 24) Pour Jésus,
la distinction des sexes et la réunion de l’homme et de la femme en une seule chair, un seul être à deux, fonde l’interdiction de la séparation : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ».

Un juif du temps de Jésus aurait demandé : « Est-il permis de répudier sa femme pour n’importe quel motif ? » Le seul point litigieux était alors de déterminer le vrai motif de répudiation, « quelque chose de choquant ». Le prophète Malachie avait déjà, quelques siècles avant le Christ, dénoncé la répudiation. ( 2 : 14-16). Pour Jésus, aucune discussion possible ; qu’importe l’interprétation des scribes et des docteurs de la Loi, d’autorité, se basant sur la création, Jésus condamne la répudiation. Sa réponse dépasse le domaine de la Loi, la volonté divine repose sur le lien profond que le mariage établit naturellement entre l’homme et la femme.

Suit alors l’entretien privé de Jésus avec ses disciples. Ce n’est pas nouveau dans la formation inédite (4 : 10-25 ; 7 : 17-34 ; 9 : 28-29). Ces paroles de Jésus à ses disciples viennent compléter son enseignement, ajouter des éclaircissements et tirer des conséquences pratiques. La réponse tient compte des conditions sociales et culturelles du chrétien venant du paganisme. La loi romaine reconnaissant à la femme le droit de rompre avec son mari ; Jésus va préciser qu’un re-mariage après répudiation sera considéré comme un adultère, une infidélité conjugale. Dans le judaïsme, une femme pouvait de ce fait devenir adultère à l’égard de son mari, mais non pas l’homme à l’égard de sa femme. Ici le texte de Marc touche l’égalité foncière de l’homme et de la femme par rapport au mariage. Ainsi se trouve posé la question des rapports entre l’Évangile et sa mise en pratique dans les diverses sociétés. La fidélité à l’Évangile ne va pas sans attention aux situations des personnes dans leur cadre social ou sans dispositions concrètes qui en assurent la pratique communautaire.

Le Seigneur établissait donc un principe. Venu non pour défaire la Loi mais pour la parfaire, il rappelle la volonté divine concernant l’union de l’homme et de la femme. Beaucoup de ces énoncés seraient à méditer de notre temps. Le mariage est naturellement l’union de l’homme et de la femme. Il définit une attache réelle qui a nécessité de grandes séparations et non moins de sérieuses préparations. Souvent le divorce vient du fait que tant la préparation ou la séparation n’a jamais eu lieu : l’homme demeure attaché à sa mère et recherche celle-ci dans son épouse ; ou bien la femme recherche son père dans son époux. Enfin, même si la volonté divine concernant l’indissolubilité du mariage est exprimée ici par l’enseignement de Jésus, encore faut-il qu’il y ait réellement eu mariage, et les erreurs concernant la personne ou le défaut d’information peuvent interférer sur la réalité du mariage. Voilà pourquoi, après enquête et analyse, l’Église peut déclarer qu’il n’y a pas eu de fait véritablement mariage, lequel exigeant de soi non seulement volonté mais non moins connaissance suffisante. Faut-il terminer en rappelant que le privilège paulin, absence de foi chez l’un ou l’autre des conjoints, menace pour la vie chrétienne de l’un ou de l’autre, peut être raison de séparation.

Cette question actuelle concernant la validité du divorce que combat Jésus repose non seulement sur l’enseignement de Jésus ou de l’Église, mais sur la nature même du mariage et l’exigence des plus fondamentale de l’amour. Aucun état n’est justifié fut-ce même au nom des libertés et droits de la personne de toucher de quelque manière que ce soit à cette loi naturelle.

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