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Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

4e Dimanche de Pâques. Année B.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

L’unique pasteur

Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Le berger à gages, qui n’est pas le pasteur et à qui n’appartiennent pas les brebis, voit-il venir le loup, il laisse là les brebis et se sauve, et le loup les emporte et les disperse. C’est qu’il est berger à gages et n’a pas souci des brebis. Je suis le bon pasteur, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos, celle-là aussi, je dois les mener, elles écouteront ma voix et il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Si le Père m’aime, c’est que je donne ma vie pour la reprendre. On ne me l’ôte pas, je la donne de moi-même. J’ai pouvoir de la donner et pouvoir de la reprendre. Tel est l’ordre que j’ai reçu de mon Père.

Commentaire :

Nous sommes durant la fête de la Dédicace, anniversaire patriotique et politique dans l’histoire des Juifs, fête de la libération, de la résistance victorieuse des Macchabées contre l’occupation étrangère et la profanation du temple. (1 M 4 : 36 + ) En ce jour, Jésus affronte les Juifs en attente d’un nouveau Judas Macchabée capable de délivrer Israël de l’occupation romaine. Patriotisme exalté, fièvre religieuse ! Jésus se proclame le bon, le seul, le vrai berger, capable d’accomplir l’œuvre de libération.

Dans cette page d’évangile, nous n’allons pas entendre quelqu’un nous entretenir du bon berger, mais quelqu’un nous parler de lui-même : «Je suis le bon pasteur ». Les mots qui introduisent la déclaration sont l’indice d’un discours solennel où Jésus se présente vraiment comme le Dieu de l’actualité, le Dieu de l’histoire, celui qui s’était présenté à Moïse comme « Je suis «. En outre, Jésus reprend à son compte tous les messages concernant le « Berger d’Israël » (Ps. 23 + 80, Is.40 : 11, Ez. 34). Il nous faudrait relire ici tout le passage de Jean (8 : 12 à 10 : 42) pour avoir dans sa totalité le long commentaire relatif au signe de l’aveugle-né : « Je suis la lumière du monde, je suis le bon pasteur. » Il existe un lien inéluctable entre l’aveugle qui voit et Jésus par lequel on accède à la vie, la lumière et la vérité. Crois-tu vraiment que Jésus est l’unique pasteur, l’unique vérité, l’unique source de lumière, cette question que se pose l’Église de Jean pourrait être, dans la foulée de l’épisode de l’apparition au bord du lac et de la mission donnée par Jésus à Pierre : « Paix mes agneaux, paix mes brebis » (Jn. 21 : 11 +), posée aussi à notre Église. On se donne des milliers de pédagogues, dénonçait l’apôtre Paul. (1 Co. 4 : 15)

À l’encontre de l’espérance juive, ce titre de pasteur que s’approprie Jésus c’est la relation personnelle de connaissance, de communion intime et d’appartenance réciproque avec les brebis du troupeau ; non une relation occasionnelle, mais un rapport éternel d’union et de communion. Cette relation va s’établir par l’écoute de la voix du pasteur, la Parole de Jésus, qui établit et approfondit cette connaissance réciproque. La Parole de ce pasteur va constituer le peuple de Dieu, hier, aujourd’hui et demain. De plus, le trait propre au bon Pasteur, au vrai berger est de n’être jamais satisfait du troupeau qui le suit, mais de garder un souci constant des brebis lointaines et perdues. Sa proclamation s’étend à tout l’univers. Cette dépendance par rapport à la personne du bon Pasteur constitue la dimension fondamentale de la communauté chrétienne.

Mais, le Pasteur, c’est Dieu. Le terme ne pourra jamais être appliqué en toute vérité à qui que ce soit d’autre. Dieu seul est Pasteur suprême mais son visage se reflète visiblement dans le Christ, son image dans le passé et le présent. (Col.1 : 13-20) L’Église est donc le troupeau de Dieu, et les brebis, même gouvernées par des pasteurs humains, sont cependant menées et nourries sans cesse par le Christ lui-même, signe visible du Père, le Pasteur par excellence.

Ces considérations situent bien le rôle et la place des pasteurs humains. À proprement parler, l’Église n’est pas leur troupeau et jamais ils ne doivent se considérer comme pasteurs à leur compte. Comme Jésus à l’égard du Père, ils sont, à l’intérieur de l’Église, les sacrements du bon Pasteur, ceux qui le rendent présent ; ils demeurent serviteurs de son action permanente pour le bien de tous. Les ministres quels qu’ils soient ne sont pas Jésus Christ, mais ses sacrements ; tout dans leur vie renvoie à l’unique bon Pasteur. Ils sont sacrements du Christ pour un but précis, celui-même poursuivi par Dieu en Jésus : ramener tous les hommes sous un seul chef Jésus Christ. (Eph. 1 : 10) Telle est l’œuvre d’unification dans le Christ qui donne sens à l’image du Pasteur.

Le sens profond de ce rassemblement apparaît clairement dans l’expression troupeau. La réalité ne définit pas un rassemblement impersonnel, dépersonnalisant, comme le terme brebis pourrait caractériser l’absence de personnalité et de caractère, un état de sujétion et de passivité. L’œuvre de Dieu en son fils Jésus Christ n’est pas de violer la liberté et l’initiative des hommes, d’investir le cœur, de dépersonnaliser. L’expression brebis représente ici le type le plus élevé de rencontre entre nous et Dieu, il rehausse l’homme dans sa qualité de personne et d’ami de Dieu.

Telle est la libération apportée par Dieu, Pasteur de son Peuple, en Jésus Christ le vrai berger.

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