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Jusqu’à ce que la parole soit accomplie

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

Voici, il est six heures du matin. Là-bas, sur l’autre continent, il est midi. Et Renata entre à son église paroissiale dans sa somptueuse toilette de mariée. Nerveuse. Traquée comme un lièvre encerclé par une meute. Renata engage sa vie aujourd’hui avec Jeff. Et la peur est au rendez-vous. Je suis sûr que la peur est au rendez-vous. La peur est toujours là quand nous traversons des moments importants de notre vie, des moments qui auront des répercussions sur tout le reste de l’existence.

La peur est là, mais aussi une sorte d’instinct, l’intuition que c’est la bonne décision, le geste à poser, la parole à donner…

De nos jours, nous sommes de moins en moins enclins à prendre des engagements perpétuels, «jusqu’à la mort». Nous essayons plutôt. La persévérance pour la persévérance n’est pas notre fort. Nous avons horreur de vivre «par devoir». Nous préférons tenter des expériences. Si elles réussissent, tant mieux. Si elles ratent, nous tournons la page! La vie à l’essai!

Certains croient que les changements sont essentiels dans la vie. Qu’il ne faut pas hésiter à abandonner tel ou tel engagement pour en prendre d’autres. Les couples qui fêtent leurs noces d’or manqueraient d’imagination et d’audace. Ils ne se seraient pas permis d’autres bonheurs.

Une mentalité de «temps partiel» nous entoure et nous appelle. Mais je n’arrive pas à m’y faire. Je crois à la persévérance. Je crois à celle qui me force à être créateur d’avenir. Je crois à celle qui m’interpelle sans cesse à aller plus loin sur le chemin où je me suis engagé. Ai-je vraiment exploré toute la forêt quand j’ai l’impression de tourner en rond?

Est-il nécessaire de croiser du neuf sans cesse? L’amour répète. Il répète inlassablement. C’est banal en soi que de dire «Je t’aime!», mais quand c’est toi qui le dit, je voudrais que tu le répètes mille et mille fois. Que tu le répètes en changeant de musique ou sur la même mélodie, peu importe. Du moment que c’est toi qui le dis. Et que j’imagine le frémissement de ton coeur en ma présence. Et que je devine ta passion, forte à certains jours, tendre par moment, infiniment créatrice…

Ce matin, Renata et Jeff échange leur parole. «Je veux être près de toi et avec toi, aux jours de bonheur comme aux jours difficiles, tout au long de notre vie.» Parole donnée et reçue tout à la fois. Parole qui ne peut être reçue sans qu’elle ne soit donnée. Nous ne prenons jamais la parole d’un autre, nous la recevons. Elle est toujours une grâce, un don, quelque chose qui appartient à la gratuité. Et qui s’accueille dans la reconnaissance, dans l’action de grâce.

Et comme toute gratuité, cette parole ne s’explique pas, elle n’est pas raisonnable. L’amour seul peut le raisonner dans toute sa déraison. Il y a quelque chose de la folie ou du scandale dans cette parole. Comme cette autre parole en forme de passion _ le Verbe! _ qui est apparue «scandale pour les juifs et folie pour les païens». Persévérance d’un homme, persévérance de Dieu… jusqu’à la mort. Premier-né d’entre les morts, premier amoureux sortant de son indifférence, premier d’une longue caravane marchant avec persévérance et constance jusqu’à ce que la parole soit accomplie dans sa plénitude.

Ce matin, Renata et Jeff échange leur parole. «Le Verbe se fait chair et il habite parmi nous.» (Jean 1, 14)

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