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Prière d’un pissenlit

Imprimer Par Denis Gagnon, o.p.

Mon Dieu, mon Soleil, tu m’as fait à ta ressemblance et je suis heureux d’être un portrait de toi. Qu’il fasse beau ou que le temps soit triste, je garde ma lumière, petite étoile au coin des pelouses ou à travers le long foin sec.

Comme toi, je suis partout, envahissant ou discret, selon que la terre est riche ou stérile. Je m’accroche à la vie avec une ardeur que l’on ne retrouve pas assez chez les humains.

Devant les obstacles, je suis têtu comme une mule. Aux trottoirs crevassés, poussiéreux, qui se résignent trop facilement à supporter les bâtonnets de Pop-Sicle, les sacs de Chips ou les pneus de voitures mal garées, je veux dire que tout ce que je porte, au fond de moi, a droit d’exister au grand jour et que l’asphalte, si résignant soit-il, ne peut m’empêcher de chercher la lumière et l’oxygène. Bien du monde devrait avoir ma ténacité: que d’obstacles seraient vaincus, que de talents auraient la chance de naître, que de bonheurs pourraient vivre!

On m’en veut beaucoup. Les maniaques des gazons verts ne peuvent me tolérer. Je les comprends bien puisque je n’ai pas bonne réputation et que l’on se fie tellement à la réputation des gens. On dit beaucoup de mal à mon sujet. D’autres, à ma place, se cacheraient, se laisseraient envahir par un complexe d’infériorité ou se révolteraient à grand renfort de violence. J’ai pensé gagner l’amitié par la douceur, en faisant valoir mes qualités, en essayant de trouver ma place dans la famille des fleurs, en respectant celle qu’occupent les autres.

Les botanistes me donnent des noms longs comme un poteau de téléphone; ils m’auscultent de tout bord et de tout côté; ils me mesurent et étudient mes moeurs. Mais, si compétents qu’ils soient à mon sujet, ils ne remplaceront jamais la délicatesse d’un enfant qui me rassemble en bouquet pour m’offrir à sa mère. Le regard attendri d’une maman me fait oublier toutes les méchancetés des autres.

Merci, mon Dieu, mon Soleil, pour la vie, pour le vent qui me fait danser, pour le frémissement de l’abeille qui se gave de mon pollen, pour le papillon qui réveille en moi le poète si souvent étouffé par ma raison trop sérieuse. Merci beaucoup pour le goût d’aimer, malgré la hargne qu’on déploie à mon endroit. Merci beaucoup parce que tu m’aimes tel que je suis, parce que je m’accepte tel que je suis.

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