Album de famille
Quant aux autres disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait donné rendez-vous. Et quand ils le virent, ils se prosternèrent ; d’aucuns cependant doutèrent. Venant à eux, Jésus leur dit ces paroles : Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde.
Commentaire :
Mots de Jésus ou journal de la communauté ? L’emploi du terme baptiser peut faire ici toute la différence : il permet de reporter cet ordre de mission, particulier à l’évangéliste Matthieu, à une époque plus tardive que l’Ascension. Cela ne porte nullement atteinte à la conviction que les apôtres pouvaient avoir concernant les origines chrétiennes du rite baptismal pratiqué par eux et donné la toute première fois le jour de la Pentecôte (Ac.2 :41) Devrions-nous avec certains auteurs distinguer un Jésus de l’histoire et un Jésus de la foi, séparés par le fossé de Pâques ? Ces versets 18-20 devraient-ils être considérés comme le fait d’une Église organisée ? Ce que nous ne devons jamais oublier est que nous devons toujours mettre ensemble Jésus et l’Église, quel que soit le fossé creusé par l’histoire. Nous lisons l’ Évangile selon Matthieu, Marc, Luc et Jean , et non l’Évangile selon Jésus ; ce rappel est d’importance. Nous nous arrêterons d’abord sur les versets 15-17, puis sur les versets 18-20
MISE EN SCÈNE
Comme l’ange l’avait ordonné (28 :7), les disciples, ces hommes qui ont entretenu une relation personnelle avec Jésus, se sont rendus en Galilée. Le temps de l’Église commence. Ils sont là, les onze tous ensemble. Le passage du livre des Actes 1 :15-26 concernant l’élection du substitut de Judas est totalement ignoré. Une montagne, sans indication précise, sera le lieu de l’Ascension (5 :1+ ; 15 :29 + 32-39). Les disciples se prosternent et reconnaissent la dignité du Maître (2 :2,8,11; 8 :2; 14 :33; 15 :25). Mais le doute persiste (Mc.16 :11,14; Lc. 24 : 11,41; Jn. 20 :24-29). Sans doute est-il permis de percevoir ici une remise en question de la part de la communauté primitive.
L’ORDRE DE JÉSUS (18-20)
Tout pouvoir m’a été donné . Par sa résurrection, Jésus est devenu Seigneur de l’univers (Phil 2 :10-11;) ; son pouvoir souverain est illimité, il est Seigneur du ciel et de la terre et son seul vrai Maître. Il peut donc donner une mission universelle. La communauté primitive le reconnaît comme Kyrios-Seigneur . Voilà donc ce qui soutient l’ordre donné aux disciples : De toutes les nations, faites des disciples. La mission ne se réduit pas à la proclamation, mais porte également sur la multiplication des disciples : gagner les hommes à une relation étroite et personnelle avec Jésus. C’est comme si Jésus disait : Reprenez avec les autres l’expérience que vous avez faite avec moi. Voilà le sens concis du terme chrétien. Et cet état sera le résultat du baptême et de l’enseignement : les baptisant. leur apprenant. L’enseignement préparant au baptême, voilà ce qui précisément réalise l’état de chrétien. Obligation ne peut plus opportune de nos jours.
LA MISSION
La formule trinitaire utilisée dans l’acte de baptiser témoigne certes d’une coutume usuelle dans la communauté matthéenne ; mais elle témoigne avant tout de la relation étroite de la vie et l’ouvre de Jésus avec son Père dans l’Esprit Saint. Quant à l’ordre d’enseigner, il est caractéristique de Matthieu qui insiste plus que tous les autres : Jésus enseigne avec autorité. L’évangéliste lui-même présente toujours son enseignement de façon bien organisée. L’évangile ne doit pas être proclamé, mais enseigné, devenir objet de catéchèse en vue de la formation des néophytes et l’instruction de la communauté. Telle est la volonté expresse du Maître et Seigneur. Toute prédication doit devenir guide pour le disciple et prédication sur Dieu. On ne peut séparer l’un de l’autre : tout l’évangile est en soi doctrine de foi. Rien ne peut et ne doit être omis : leur apprenant tout ce que je vous ai prescrit. Et toutes les nations sont ciblées par la mission confiée par Jésus à ses disciples.
UN DÉFI QUI NOUS DÉPASSE
Je suis avec vous tous les jours. D’un seul regard sur la mission, Jésus envisage alors non seulement les Onze, mais le peuple de Dieu en son entier, tous ceux et celles qui deviendront disciples ; il embrasse sans limitation les espaces et le temps. Le Maître sera présent pour aider, consoler, exhorter et rien ne pourra venir à bout de son Église et de ses responsables. Il avait précédemment promis à Pierre son assistance : J’ai prié pour que ta foi ne défaille point (Lc.22 :32 ) ; à l’occasion de son départ, c’est à tous qu’il fait la promesse.
Nous tenons donc dans ce bref passage une pièce maîtresse de l’album de famille : l’Église en ses débuts, la communauté et sa toute première organisation. Mais l’élément majeur de la collection est l’appellation de disciple réservée au chrétien : celui qui entretient avec Jésus une véritable relation personnelle. Cet état est constitué par le baptême, mais avant tout par l’enseignement. Le disciple se doit de faire passer dans sa vie toute la doctrine de vie de l’évangile. Et à cela, s’ajoute la promesse qui vient achever l’esquisse pleine d’espérance de cette Église primitive.