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Le psalmiste,

Responsable de la chronique : Michel Gourgues, o.p.
Le psalmiste

C’est toi mon bonheur (psaume 16)

Imprimer Par Jean Grou

Les chrétiens et les chrétiennes qui font de la liturgie des Heures une pratique régulière sont en minorité. Cette constatation fait surgir des questions. La prière des Heures est-elle accessible, adaptée et facilement réalisable? Peut-elle rejoindre un nombre relativement important de croyants et de croyantes? Les possibilités qu’elle offre pour s’adapter à la diversité des situations sont-elles bien connues?

Mis à part les communautés religieuses et des prêtres qui en font un usage quotidien, la pratique de la liturgie des Heures est le lot d’une minorité de personnes dans notre société. Ce type de prière est relativement peu répandu, par exemple, en milieu paroissial. Il y a bien des groupes de prière qui en font leur pratique principale mais ils demeurent plutôt marginaux. Pour les croyantes et les croyants moyens, la liturgie des Heures c’est le bréviaire, réservé aux prêtres et aux séminaristes.

Une enquête révélatrice

Pour alimenter une réflexion sur ce sujet, nous avons communiqué avec quelques lieux de pèlerinage du Québec. Ce sont des endroits privilégiés de piété populaire. Là se côtoient la vendeuse de chaussures, le rocker venu faire bénir sa moto et l’ex-entraîneur d’une équipe de sport professionnel. Ce pourrait être un important canal pour permettre aux gens de se familiariser avec les liturgie des Heures. Or, notre petite enquête a révélé une absence presque totale, en ces lieux, de pratique de prière des Heures destinée au public.

Liturgie de l’élite ?

Ces données confirment que la liturgie des Heures demeure le lot presqu’exclusif d’une certaine Élite composée de trois groupes principaux: religieux et religieuses, prêtres, autres personnes contaminées par les deux premier groupes. La très grande majorité de ces personnes possède une culture religieuse passablement bien étoffée. Et dire que les spécialistes qui ont travaillé à la réforme liturgique qui a suivi le Concile Vatican II visaient l’intégration de la liturgie des Heures à la vie spirituelle de l’ensemble du peuple chrétien!

Il n’est pas question ici de formuler un constat d’échec. Après tout, le Concile ne date que d’une trentaine d’années. C’est bien court, compte tenu que l’Église entamera sous peu son troisième millénaire [NDLR Cet article a été écrit à l’été 1996]. Il faut laisser au temps le temps de faire son temps. Reconnaissons néanmoins qu’il y a encore du chemin à faire pour que la liturgie des Heures occupe la place qui lui était destinée.

Pourquoi une liturgie des Heures populaire?

Avant d’aller plus loin, il convient de se demander s’il faut que la liturgie des Heures devienne populaire. Si ce n’est que pour répondre aux voeux d’un groupe de liturgistes bien intentionnés des années soixante, perdus dans leur idéal des origines, ça n’en vaut peut-être pas le coup. Mais les motivations à la source de ces voeux révèlent des enjeux de taille pour la vie de l’Église. Ce sujet mériterait un traitement fort élaboré, débordant le cadre de notre publication.

Retenons cependant une raison majeure justifiant que la pratique de la liturgie des Heures se répande davantage. La prière des Heures permet à la personne qui y participe d’entrer en contact avec la Parole de Dieu. À travers les psaumes, les cantiques et les autres passages tirés de la Bible, le peuple chrétien a la possibilité de puiser à la source. Cette seule raison justifie le souhait de voir la liturgie des Heures sortir des cercles où elle semble enfermée et de la voir adoptée par plus de chrétiens et de chrétiennes.

Les obstacles

Allons donc au coeur du problème et posons la question: comment se fait-il que la liturgie des Heures n’aie pas pénétré davantage les habitudes de prière de l’ensemble des chrétiens et des chrétiennes? Les raisons sont nombreuses et il est impossible de les traiter en entier dans ces quelques lignes. Contentons-nous pour l’instant d’évoquer une raison souvent mentionnée comme obstacle à la pratique de la liturgie des Heures. Pour beaucoup de gens, il s’agit d’une prière trop fermée, encadrée, rigide.

À ce sujet, il convient de se rapporter à ce qu’écrivait le père Joseph Gelineau au lendemain du Concile au sujet de la nouvelle liturgie des Heures (La célébration des Heures communautaires, en petit groupe, individuelle, La Maison-Dieu, n. 105, 1971, p. 150-161). Il indique que, pour favoriser la participation du peuple chrétien, la réforme de la liturgie des Heures a prévu, entre autres, de la flexibilité dans les rites. Il y a lieu de soupçonner que ces données ne sont pas suffisamment connues aussi bien des personnes qui pratiquent déjà la prière des Heures que de celles qui l’évitent par crainte de rigidité et de monotonie.

Souplesse, s’il-vous-plaît!

Le père Gelineau parle de la souplesse des rites à deux niveaux:

1) dans les possibilités offertes explicitement par la Présentation de la liturgie des Heures;
2) dans les possibilités implicites, qui découlent d’une saine pastorale liturgique.

Nous vous proposons d’en revoir ensemble l’essentiel. (N.B. Les deux sections suivantes présentent une synthèse des pages 150 à 154 de l’article mentionné ci-dessus). Des données plus complètes et précises se trouvent dans la Présentation générale de la liturgie des Heures disponible dans le Bulletin national de liturgie (n. 31, 1971, p. 193-241) et, bien sûr, dans l’article du père Gelineau dont nous nous servons ici.

Souplesse explicite

La Présentation offre de nombreux choix, à plusieurs niveau, qui peuvent se résumer ainsi:

a) Aménagement des offices:

· choix du calendrier;
· choix de l’office;
· répartition des offices dans la journée (place de l’office de lecture, de l’heure médiane, intégration à la messe…);
· choix des éléments d’une heure donnée, de leur agencement, voire même leur remplacement;
· choix dans la manière de célébrer.

b) Lectures bibliques

· liberté (relative!) Dans le choix des passages bibliques (i.e. utilisation, pour des motifs pastoraux, d’un autre passage que celui qui est prévu);
· pour l’office des lectures: choix entre le lectionnaire établi sur un cycle annuel et celui établi sur un cycle de deux ans;
· pour l’office des lectures: choix dans les lectures de la tradition (possibilité de puiser dans un lectionnaire patristique);
· possibilité de délaisser ponctuellement le lectionnaire pour s’ajuster à une situation particulière.

c) Les psaumes:

· pour des motifs pastoraux, possibilité de choisir d’autres psaumes que ceux prévus;
· choix dans les psaumes d’Invitatoire;
· choix (dictés par l’heure de l’office et par les possibilités de l’assemblée) dans la manière d’exécuter les psaumes et de les introduire.

d) Les prières des offices du matin et du soir:

· choix dans la manière de les dire (lecture en solo, avec répons, en dialogue, etc.);
· possibilité d’adaptation et de création (intentions particulières et locales).

e) Les hymnes:

· possibilité de création et d’adoption d’hymnes.

f) Divers:

· aménagement des temps de silence;
· possibilité d’omettre l’invitatoire au début de l’office du matin;
· forme de l’acte pénitentiel au début des complies;
· finale facultative de l’hymne (Te Deum) à la fin de l’office des lectures du dimanche, des solennités et des fêtes;
· possibilité d’encensement à l’office du soir.

Souplesse implicite

La Présentation générale de la liturgie des Heures laisse aussi transparaître, de manière implicite, un deuxième niveau de souplesse, toujours dans l’idée de favoriser une saine pastorale. Ainsi s’élargit l’éventail des possibilités d’adaptations rendues nécessaires ou souhaitables par la situation concrète des personnes qui prient. La porte est ouverte et une multitude d’avenues s’offrent encore ici, du moment qu’elles se conforment à l’esprit de l’Institutio (i.e. le décret instituant la nouvelle liturgie des Heures).

Le père Gelineau évoque quelques-unes de ces possibilités, telles les adaptations relevant des Conférences épiscopales (création de prières et d’hymnes, composition d’un lectionnaire patristique complémentaire, etc.) et l’intégration de rites locaux de sanctification du matin et du soir. Il mentionne aussi d’autres types d’adaptations (choix d’un autre psaume que celui prévu, recours à une manière particulière de réciter un psaume) dictées par l’expérience de prière d’une communauté précise.

Une question à creuser

Il nous est impossible de répondre de façon satisfaisante aux questions posées au départ. Nous avons cependant pu nous rendre compte que l’apparente rigidité de la liturgie des Heures n’est pas un obstacle insurmontable, bien au contraire. Ses multiples possibilités d’adaptation offrent à la prière chrétienne une souplesse à laquelle beaucoup de personnes tiennent. Cette qualité n’élimine pas tous les obstacles. Il sera nécessaire de revenir sur cette question et d’en explorer d’autres facettes. Car la liturgie des Heures n’a pour l’instant pas l’attrait d’autres pratiques de piété, bien ancrées celles-là dans les habitudes de beaucoup de chrétiens et de chrétiennes (chapelets, neuvaines, pèlerinages, etc.).

Le psalmiste

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