Spiritualité 2000 met à votre disposition 22 années d’archives, soit près de cinq mille articles. Un grand merci à tous nos artisans qui ont su rendre possible cette aventure ayant rejoint des millions d’internautes.

Parole et vie,

Responsable de la chronique : Dominique Charles, o.p.
Parole et vie

21e Dimanche du temps ordinaire. Année C.

Imprimer Par Jacques Sylvestre, o.p.

Petit tas de grains des saints

Jésus s’en allait par villes et villages, enseignant et faisant route vers Jérusalem. Quelqu’un lui dit : «Seigneur, est-ce le petit nombre qui sera sauvé?» Il leur répondit :«Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et n’y parviendront pas. Dès que le maître de maison sera levé et aura fermé la porte, et que, restés dehors, vous vous serez mis à frapper à la porte en disant : Seigneur, ouvre-nous, il vous répondra : Je ne sais d’où vous êtes. Alors vous vous prendrez à dire : Nous avons mangé et bu sous tes yeux, tu as enseigné sur nos places. Mais il vous répondra : Je ne sais d’où vous êtes ; loin de moi, tous les malfaiteurs. Là seront les pleurs et les grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes dans le Royaume de Dieu, et que vous vous verrez jetés dehors. Et on viendra du levant et du couchant, du nord et du midi, prendre place au festin, dans le Royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers et des premiers qui seront derniers.

Commentaire :

Aujourd’hui, la question de l’existence de l’enfer est monnaie courante. Au temps de Luc, la préoccupation était l’entrée au Paradis : «Est-ce le petit nombre qui sera sauvé ?» Dans son Apocalypse, l’apôtre Jean, parle des «cent quarante-quatre milliers rachetés de la terre.» (Ap. 14 :3) Dans la suite des temps, des théologiens comme saint Thomas d’Aquin optaient pour le petit nombre de sauvés ; Teillard de Chardin quant à lui, avouait croire à l’enfer mais sans damnation possible en raison de l’infinie miséricorde divine. Que penser, qui croire ? Au temps de Jésus, la question était l’une des plus débattues dans les cercles de rabbins et docteurs de la loi. Jésus se refuse à des conjectures sur les mystères de la prescience divine. A une question qui trahit une curiosité malsaine en matière de religion, il répond par l’énoncé du devoir pratique. Le faire importe davantage que le nombre.

Nous avons dans cette parabole de Luc, la fusion de plusieurs images disparates. «Avec sa fidélité peu gênée,» comme écrivait Loisy, Luc, selon le père M.-J. Lagrange, o.p., «combine des petits bouts de papiers alignés.» Nous avons donc affaire à une parabole nouvelle, bâtie sur diverses paroles de Jésus prononcées en des circonstances variées. Les premiers chrétiens ont souvent adapté, interprété, harmonisé les paraboles originales de Jésus selon les besoins de leurs communautés

Cette parabole de «La porte étroite» montre qu’une tension réelle entre juifs et païens persistait dans les églises chrétiennes primitives. Les juifs croyaient qu’à titre de peuple choisi de Dieu, toute espérance était permise. La réponse de Luc sera claire : au leu de spéculer, les juifs devraient s’efforcer de faire partie des sauvés. Relisons donc cette construction catéchétique, l’enseignement de Luc à sa communauté.

LA PORTE ÉTROITE

«Jésus s’en allait.» Le récit du grand voyage vers Jérusalem se prolonge, De fréquentes allusions constituent la charpente du récit : (9:51, 57 ; 10:38 ; 14:25 ; 17:11) Suite à ses enseignements sur la prière, le détachement, etc., l’évangéliste jette ici de la lumière sur la question des «Fins dernières» . Pour être sauvé, l’essentiel consiste à faire effort. L’exemple de la porte étroite et du chas de l’aiguille (Lc.18:25) connotent l’un et l’autre la lutte et l’effort. Et aucune hésitation n’est possible. Les retardataires auront beau invoqué leur intimité avec le maître de maison, cela ne fera qu’aggraver leur responsabilité. Pour demeurer disciple, il ne suffit pas d’avoir entendu, il importe davantage d’avoir mis l’enseignement en pratique et de conformer sa vie à son enseignement. L’état des réprouvés sera d’autant plus lamentable qu’il est mis en comparaison avec le sort réservé aux ancêtres, Abraham, Isaac, Jacob et à des hommes venus de toute part et de nulle part.

LES DERNIERS SERONT LES PREMIERS

Renversement des préséances : des Gentils seront sauvés avant les Juifs. S.Paul fulminait contre eux, ses co-religionnaires : «C’est à vous d’abord qu’il fallait annoncer la parole de Dieu. Puisque vous la repoussez et que vous ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien! nous nous tournons vers les païens.» (Ac. 13:46-48; 28: 25-28) Au jugement, tout impénitent sera rejeté quelle que soit son origine.

Nous avons ici une évocation dramatique des promesses messianiques et de la prédilection toute particulière de Dieu pour son peuple : il est susceptible d’être réprouvé, et ce, malgré toutes les prévenances divines et la présence tangible du Messie. «Il est venu vers les siens et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom.» (Jn 1 :11-12)

L’enseignement de Luc, si exigeant soit-il, est peu comparable avec le cynisme de Matthieu : «Étroite et resserrée est la route qui mène à la vie, et ils sont peu nombreux à s’y engager. Large et spacieuse est celle qui mène à la perdition, et ils sont nombreux à y cheminer.» (Mat.7 :13-14) Pour l’apôtre Jean, la vision semblait plus optimiste : «Je vis venir ensuite des hommes de toute langue, de tout peuple, de toute tribu, vêtus de blanc et des palmes à la main, une multitude que nul ne pouvait dénombrer.» (Ap.7 :9)

Le petit tas de grains des saints ! pour reprendre l’expression de saint Augustin. Nombreux au milieu d’un grand nombre.

Parole et vie

Les autres thèmes